La Belle et la Bête
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La Belle et la Bête

Long-métrage d'animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1991)

Sacrée pointure que La Belle et la Bête, ou le tout premier long-métrage Disney nommé pour l’Oscar du meilleur film : voilà qui annonce la couleur. Dans les cartons du studio depuis un bon demi-siècle, Walt Disney aurait-il pu imaginer pareil triomphe critique comme financier pour cette énième adaptation du conte éponyme de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, elle qui aura également animé le box-office de 1991 ? Pas si sûr, et nous pourrions avancer que la version de Jean Cocteau, en partie responsable de l’hibernation du projet, fut ainsi une bénédiction.


Une réussite pérenne dans le temps qui plus est, et une redécouverte valant son pesant de curiosité : car en bon film de « princesse », La Belle et la Bête est-il un bon compromis entre héritage de conte, standards du genre et signature propre à Disney ? Sans surprise (me concernant) : oui et non. Par delà le classicisme naturel de sa trame « à histoire » et son narrateur introductif, il s’ouvre pourtant sous les meilleurs auspices au gré d’un thème musical tout bonnement envoûtant : prémices d’un véritable travail sur l’ambiance, celui-ci d’abord affilié au « prologue » va plus globalement asseoir l’envers lugubre du château, soit un supplément d’âme remarquable.


Formellement, le graphisme n’est également pas en reste, celui-ci faisant montre d’une certaine ambition en dépit de son inégalité (sur la durée). Cette même ambition enjoint alors à aborder la question de l’étiquette « comédie musicale » affublée, à raison, au film : sur ce point, une myriade de compositions ponctuent et animent un récit n’en demandant pas tant, ce parti-pris étant vite redondant tout en rallongeant artificiellement la durée du visionnage... subsistes malgré tout de belles séquences faisant l’étalage d’une animation confinant parfois au grandiose, il faut en convenir.


La Belle et la Bête souffle donc le chaud et le froid, et il va sans dire que le fond n’échappe pas à la règle : car si l’intrigue développe en parallèle une atmosphère poétique efficace, il est des plus regrettables qu’elle s’en tienne à une lecture très simpliste des thématiques de l’œuvre originelle. Se faisant naturellement l’écho de sa morale reconnaissable entre toutes, l’amour et la rédemption en guise de fers de lance, l’écueil principal tient en sa propension à grossir drastiquement le trait... sous les traits de Gaston.


Antagoniste tout désigné, cette incarnation des affres de la brutalité, l’étroitesse d’esprit et la discrimination esquisse un portrait archétypal à l’envie, au point d’ôter à La Belle et la Bête toute son ambivalence première : car le Prince, entre malédiction justifiée et ardue renaissance, témoignait d’un potentiel indéniable en la matière. Que nenni donc, le film s’en tenant à une approche résolument manichéenne et, par voie de conséquence, guère subtile.


Néanmoins, dans le même temps, nous pouvons souligner quelques motifs d’éloges : Belle est à ce titre une héroïne très intéressante, son écriture ne la limitant pas au carcan de la princesse unidimensionnelle. Une figure indépendante et usée à bon escient en somme, le film opérant un savant équilibre dans son évolution au contact du Prince... lui-même gage de satisfaction : fort d’une nature maladroite comme touchante, la Bête outrepasse la facilité (toute relative) de sa « métamorphose » en faisant aussi preuve d’une alchimie palpable avec sa partenaire inespérée.


En dehors de menus détails curieux (en termes de logique), La Belle et la Bête pâtit finalement surtout de son statut de comédie musicale, ici des plus encombrants, et de la superficialité de son traitement scénaristique. Il demeure toutefois un divertissement honorable et un classique d'animation Disney unique en son genre, celui-ci rayonnant à l’aune de son jeu d’ambiances savoureux et de son tandem de protagonistes on ne peut plus attachants.

NiERONiMO
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le 15 nov. 2019

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