Vraiment critiqué par une presse plutôt intello, le film de Christopher Gans a été injustement dédaigné. En effet, le réalisateur français, rôdé aux films ambitieux comme l'a prouvé le Pacte des Loups, réitère un coup de maître. Il ne se contente pas de donner à la Belle et la Bête un écrin enchanteur,onirique ( que Tim Burton pourrait légitimer en tant que tel) mais il redonne aussi ses lettres de noblesse au conte de fées. En effet, ce genre littéraire et donc cinématographique depuis peu, est souvent marqué par une imagerie gnangnan et une utilisation abusive du happy ending facile. En reprenant la trame originelle du conte, Christopher Gans remet les pendules à l'heure en prouvant que le conte est tout sauf une histoire romanesque dénuée de sens. Si la Belle finit par rencontrer la Bête, c'est qu'il y a eu tout un enchaînement de circonstances dramatiques précises et subtiles. Par son perfectionnisme, Christopher Gans, dans de grandes scènes d'exposition, donne donc une belle part aux proches de Belle, et donc de leurs psychologies propres. La situation de chacun face à la jeune femme démontre d'emblée que cette dernière doit respirer dans cette famille où les égos s'entrechoquent. Et que mine de rien, Belle, femme de tête, choisit de prendre sa destinée en main. S'en suit, la métamorphose de la jeune femme de bonne famille en héroïne charismatique.
En ce qui concerne la Bête, ce n'est plus le background de l'individu qui compte mais plutôt les circonstances qui ont provoqué sa métamorphose (l'exact contrepoint de Belle). L'utilisation des flashbacks permet de reconstituer son infortune et de la comprendre. La Bête n'est donc plus cette belle âme prisonnière à l'intérieur d'un corps de lion (comme le voulait Cocteau ou Disney) mais ce prince d'alors que le sort a malmené. Cette nuance de taille change la tonalité du récit car la Bête n'est plus un séducteur qui veut emballer cette jolie femme de passage dans son chateau enchanté et attachant. C'est un animal blessé qui veut se retrouver lui-même suite à son naufrage personnel. Nettement plus enrichissant comme point de vue.
Au niveau de l'interprétation, chaque personnage de la Belle et la Bête est incarné. Léa Seydoux et Vincent Cassel jouent des partitions où les seconds rôles ont aussi leurs places ( comme André Dussolier dans le rôle du père aimant dépassé de Belle ou Sara Giraudeau en soeur naïve et superficielle de cette dernière). C'est nettement plus efficace pour l'histoire même si le procédé n'est pas original,révolutionnaire. Et tous jouent trés bien.
Je conseillerais donc ce film aux personnes qui estiment le côté obscur des personnages, l'ambivalence dramatique dans un récit.Pour ceux qui mettent au dessous de tout l'imagerie sucrée des contes de fées, ce qui est leur droit, ce film n'est malheureusement pas taillé pour eux.
Locke
8
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le 6 mars 2014

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