Le cinéaste visuel Christophe Gans est un peu à la France ce que Terrence Malick est à l'Amérique. Les deux réalisateurs ont des parcours similaires tant ils sont peu prolifiques, ils ont chacun une manière de procéder qui leur est propre, et c'est ainsi qu'ils traitent leurs films, ces derniers sont d'ailleurs si rares qu'ils provoquent l'impatience chez leurs fans, ainsi que la curiosité chez le public en général.
Ainsi donc en 2014 voilà que débarque sur nos écrans "La Belle et la Bête" réalisé par Christophe Gans, un projet atypique dans la carrière du réalisateur, qui méritait franchement que l'on se penche sur lui tant l'exercice de style qu'il promettait, s'annonçait intéressant. Et puis le film est français, et il est important de se prouver à nous même les franchouillards, que notre cinéma est capable de donner naissance à des oeuvres plus ambitieuses.
"La Belle et la Bête" de Christophe Gans se présente comme un conte au visuel particulier mais très réussi, survolé d'une aura poétique. Cependant si Gans est capable de nous présenter des décors grandioses, et des effets visuels soignés, il n'en demeure pas moins qu'il a des difficultés à raconter cette histoire romantique.
Car s'il y a bien un soucis dans cette nouvelle adaptation de "La Belle et la Bête", c'est le manque de romance et de passion entre les deux personnages. Bien entendu l'histoire est racontée de façon crédible, et même très jolie, mais jamais on ne ressent quelque chose de touchant dans cette relation si particulière qui va réunir ces deux personnages. Gans n'a visiblement pas su s'approprier l'essence du conte original. Peut-être que cela est le résultat du choix de vouloir faire une adaptation plus moderne et ancrée dans son époque.
C'est encore plus regrettable lorsque l'on se rend compte de l'excellente écriture du background des personnages, car si la relation entre Belle et le Prince ne parvient pas à émouvoir, les personnages ont quant à eux bénéficié d'un très bon traitement. La Bête devient petit à petit un protagoniste fascinant, campé par un Vincent Cassel méconnaissable, mais vraiment dans la plaque pour le rôle.
Léa Seydoux n'est pas non plus en reste, elle donne parfaitement la réplique et s'avère même très juste, l'actrice possède cette douceur qui incombe le personnage.
Mais le film malgré ses maladresses possède cette belle aura poétique, où la mythologie et le romanesque se mélangent pour former un cocktail très savoureux. L'explication de la malédiction qui changea le Prince en Bête est d'ailleurs très belle et pleine de symbolisme. Nous sommes ici dans un vrai conte de fée, les décors sont d'une beauté à couper le souffle. Le château est un modèle de décor numérique et fourmille de mille-et-un petits détails qui entraînent le spectateur dans cet univers.
Le film est également rythmé, jamais la lassitude ne s'installe, si l'on est sensible à ce que cet univers nous présente. Le seul soucis dans le développement réside dans ce traitement de l'histoire principale. Les backgrounds prennent le temps de mettre en place la psychologie des personnages, ainsi que leur vie et par conséquent leur personnalité. C'est pour cela qu'il est dommage de constater que la romance n'a pas bénéficié de ce même traitement.
On aurait également pu s'attendre à un final plus subtil, car il demeure à l'image du traitement de la romance dans le film, cohérent mais pas émouvant.
"La Belle et la Bête" est un film visuel, il est d'une beauté numérique que l'on n'a presque jamais vu dans le cinéma français. Cependant Christophe Gans à trop vouloir en faire se détache trop de ce qui fait l'essence de ce conte de fée, et en cela le film demeure vraiment pénalisé, et en résulte donc que la romance entre Belle et le Prince n'émeut malheureusement pas. Toutefois nous avons une oeuvre ambitieuse, qui plaira beaucoup aux enfants car elle leur est visiblement destinée, les adultes quant à eux préfèreront probablement revoir la version de Cocteau, ou bien pour les grands enfants, le chef-d'oeuvre des studio Disney.