Voilà une superbe et miraculeuse découverte. « La Belle Marinière » est un film tourné par Harry Lachman en 1932. Perdu, il est depuis lors resté invisible, jusqu’à la découverte d’une copie à UCLA Film Archives en 2016 sous un titre erroné. Il a été superbement restauré. Trois bobines restent manquantes et dans l’édition DVD/Blu Ray, elles sont remplacées par des photos et une narration tirée du texte écrit par Marcel Achard initialement joué au théâtre. Cela ne perturbe en rien ni la compréhension du récit, ni le plaisir visuel, ni l’émotion procurée.
Le scénario est assez simple. Sur une péniche qui sillonne les canaux français et la Seine, le Capitaine (Gabin), sa sœur, un ami-employé. Un jour que l’ami s’est absenté, Gabin sauve une jeune femme (Madeleine Renaud) de la noyade. Progressivement s’installe entre eux une relation amoureuse. Ils se marient. Mais pendant la cérémonie réapparait l’ami qui ne va pas rester insensible aux charmes de la jeune femme.
Histoire d’amour et d’Amour contrarié, d’amitié et d’amitié trahie, une romance teintée de mélo donc. L’essentiel n’est pas dans le récit (d’autant plus qu’on ne peut juger que de la partie sauvegardée du film) mais dans l’ambiance du sujet et des lieux, dans la fraîcheur du jeu des acteurs, dans la manière de montrer les évènements et les anecdotes de la vie de ces mariniers
Deux ans avant L’Atalante, La Belle Marinière offre un voyage dans le monde de la batellerie qui annonce le film de Jean Vigo. Rythme lent du cheminement des péniches, camaraderie solidaire des années pré-Front populaire, ambiance guinguette et flonflons de bal musette annonciateurs de « La Belle Equipe », superbe scène de mariage à bord de la péniche amarrée au pied de Notre Dame de Paris (nostalgie de revoir la flèche…) Le réalisme des lieux, des objets, des scènes de travail des mariniers, les tournages en extérieur et la qualité de la photo sont remarquables. Autre atout du film, les évidentes qualités de mise en scène et de direction d’acteurs A 28 ans le jeune Jean Gabin qui n’en est encore qu’aux prémices de sa carrière, excelle dans son premier rôle sentimental, et Madeleine Renaud de deux ans son ainée n’en est qu’à son deuxième film. Cela confère au film une fraîcheur et un naturel réjouissant.
Et il reste très longtemps dans la mémoire ce plan final remarquable, des deux amis, sur deux péniches qui se croisent et dont les mains qui voudraient se saluer ne se rejoignent pas, mais s’éloignent lentement.