Une fois dépassée la frustration provoquée par la forme téléfilmesque et passant outre, aussi, l’approximation du jeu de certains jeunes acteurs au début, « La belle Personne » bonifie de scènes en scènes, installant peu à peu une intensité palpable jusqu’à un final dramatique et inéluctable des plus troublants. Honoré s’attaque ici à l’adaptation d’une œuvre classique devenue désuète malgré un discours moral très évocateur encore à ce jour. « La princesse de Clèves » est donc transposée de la cour du Louvres à celle d’un lycée sélect et branchouille, moins côté qu’Henri IV mais à des années lumière de la majorité des établissements où la première des préoccupations n’étant pas la passion amoureuse. Il règne ici un parfum de frivolité et de superficialité d’une jeunesse dorée. C’est un parti pris délibéré, impératif pour une transposition crédible de l’intrigue originelle. Dont acte. Surtout, l’essentiel est ailleurs, l’intrigue classique n’étant qu’un fil conducteur de ce qu’Honoré veut montrer, ce qui le séduit. Dans ce sens, Honoré réussit son interprétation du livre de Mme de La Fayette dont l’hypocrisie et la lâcheté sont les clés de voute du drame.
Principalement sa vision du Duc de Nemours, qui devient ici professeur d’italien et qu’interprète un Louis Garrel plus ténébreux et inspiré que jamais. Cet être, « chef d’œuvre de la nature, qui plait autant aux femmes qu’aux hommes et qui fait qu’on ne peut regarder que lui», sous l’influence de la passion pour Junie, perd peu à peu de sa stature et de sa superbe. Il est un amoureux éconduit dont la flamboyante beauté croit au fur et à mesure que le drame s’instaure. Plus il essuie les refus de Junie, plus il devient homme dans sa fragilité, ses angoisses. Honoré est autant passionné par le personnage de Nemours que par son acteur. La caméra se fait le prisme de cette ferveur. Il y oppose le personnage de Junie, en faire valoir, avec sa pseudo vertu qui tient plus du nombrilisme que de la valeur. Elle est un révélateur de Nemours, elle le démystifie. D’une beauté presque animale, peu avenante et froide, Junie est l’objet du désir inaccessible, celui qui obsède qui rend fou et fait perdre pied. Lea Seydoux est parfaite dans le rôle, son physique n’est pas sans évoquer Anna Karina, époque Godard. Même jeu détaché, même sensualité décalée. Ce couple atypique qui ne trouvera pas le salut oppose la passion amoureuse dans ce qu’elle a de plus irrationnel à l’individualisme forcené qui sévit de nos jours et qui fait que l’on puisse refuser le bonheur par principe ou vanité. Toutefois ses choix de mise en scène sont trop hésitants entre stylisation et réalisme, certaines scènes paraissent maladroites. Il n’en demeure que le film soit habile et d’une gravité peu commune chez le réalisateur. Après « Dans Paris » et « Les chansons d’amour », Honoré semble mettre un point final à une trilogie personnelle et captivante. Une version des jeux de l’amour et du hasard dont « La belle personne » apporte la touche la plus sombre et pessimiste