C'est Patrick Brion, dans le bonus du DVD, qui permet de décrypter ce film, tellement il semble en décalage avec le reste de la filmographie de Raoul Walsh entre ses nombreux chefs d'œuvre du western ("la piste des géants", "les cheyennes") ou de ses films de guerre, "les Nus et les Morts" qu'il vient d'achever.
Il y a d'abord une affaire de gros sous où de l'argent est gelé en Angleterre du fait de la législation empêchant les bénéfices des films tournés en Angleterre de retourner aux USA. D'où ce western tourné en Angleterre et en Espagne avec des acteurs et du personnel anglais. C'est en quelque sorte un film "gratuit" pour Walsh. Et quand c'est gratuit, on peut alors se permettre de prendre quelques risques…
Ce faisant, il n'est pas non plus impossible que Walsh, sortant d'un difficile tournage des "Nus et des Morts" ait eu envie de se faire une petite pause humoristique en opposant trois civilisations : la civilisation des pionniers, rustique , celle du vieux continent, raffinée et celle des amérindiens, raisonnable.
"La blonde et le Sherif" est un western pro-indien ! Au point, que la bagarre sans issue et sans réelle signification qui oppose deux clans de la petite ville de Fractured Jaw va enfin être résolue par l'anglais Jonathan Tibbs avec l'aide des indiens. Ce sont en quelque sorte les indiens qui remettent de l'ordre dans la ville ...
Et la blonde dans tout ça ! Jane Mansfield, le sex-symbol de l'époque, est, selon le même Patrick Brion, sous contrat et est une espèce de doublure de Marylin Monroe (pour le cas de défaillance de cette dernière). Dans ce western, elle accentue le décalage entre civilisation américaine et anglaise tout en étant en même temps le trait d'union entre les deux.
Comme elle tient le rôle de la patronne de l'hôtel et du saloon et qu'elle chante, plusieurs séquences musicales lui sont attribuées. Et c'est d'ailleurs ce que j'ai préféré dans sa prestation. Son jeu face à Kenneth More ou aux cow-boys dans son saloon m'a paru par contre un peu faible. mais peut-être suis-je pollué par le charisme de Marylin Monroe qui lui est bien supérieur.
Le western fourmille d'idées sympathiques voire burlesques et joue beaucoup sur l'incompréhension de Jonathan Tibbs sur les mœurs américaines. L'acteur anglais qui joue le rôle de Tibbs est Kenneth More, so british, jusqu'à la caricature de l'anglais avec son "five o'clock tea" qui fait fuir tout américain normalement constitué mais que les indiens semblent apprécier ...
Ou encore la fine réflexion politique du vieil anglais à propos des américains "D'ici qu'ils viennent nous chercher pour redevenir anglais"
On retrouve dans le film tous les incontournables du western tournés en dérision.
Par exemple, l'attaque de la diligence par les indiens très hostiles se termine par une leçon de morale administrée par Tibbs et une franche poignée de mains qui scelle une solide amitié. Ou encore la partie de poker où Tibbs se fait conseiller par un chien...
Même si le film n'est pas du niveau de ce que Walsh nous propose habituellement, il n'empêche que le film n'est pas sans intérêt ; on sourit volontiers pendant le visionnage du film devant les nombreux quiproquos verbaux entre les différentes personnes qui parlent le même langage mais avec des mots de signification différente.
L'idée d'avoir mis au même niveau les trois civilisations et de poser les indiens en arbitre m'a bien plu et justifie une note de 7