La Blonde platine par Alligator
Frank Capra joue les virtuoses en nous offrant bien des cadeaux sur ce film.
D'abord une réalisation originale, avec quelques cadres savants, voire beaux, tout connement beaux, des prises de vues subtiles et épousant avec élégance le récit.
Ensuite il nous permet de découvrir une performance d'acteur peu commune, celle du jeune Robert Williams, mort trop tôt quelques temps après ce tournage. Le bougre avait une sacrée dose de talent. Cela rejaillit sur une prestation très à l'aise, aérienne, avec pour ailes des dialogues il est vrai magnifiquement fuselés, tour à tour cyniques, romantiques, fûtés, spirituels ou charmants.
Et puis il y a la belle Loretta Young, dans un rôle un peu effacé certes, mais qui n'empêche pas de laisser briller sa beauté éclatante.
Et pour couronner le tout, Jean Harlow. Cette drôle de bête n'est même pas jolie avec ses yeux enfoncés, sa double menton naissant, ses épaules abaissées et son sourire qui se répand.
Et pourtant, c'est de cette plastique particulière, de ce regard de louve, perçant, sexuel, de sa démarche animale, nature, réelle, physique que jaillit chez le spectateur mâle hétérosexuel une écume hormonale, un bouillonnement de bas instincts, oh oui si bas, hmmm. Quelques déglutitions effrénées au moment où Jean - permettez que je l'appelle Jean- va au salon, suivi de Robert tout aussi hypnotisé, ne sont qu'un symptôme parmi d'autres que je ne peux dévoiler ici de cet état de transe dans lequel elle nous emprisonne... Oh oui, pour reprendre les mots même du personnage joué par Robert Williams, il est, nous sommes dans une "cage dorée" dès cet instant où elle marche, féline, les seins lourds, mouvants sous une robe de soie quasi déshabillée. Quelle caresse que cette soie! Et puis le déhanchement à faire bander un autobus d'eunuques que Capra s'ingénie à superbement mettre en valeur. On suivrait ces fesses jusqu'au bout du monde. Si je m'attendais : un érotisme aussi flagrant chez Capra! Ce n'est plus de l'érotisme, c'est une charge de la brigade lourde, pour lever l'étendard il n'en fallait pas moins.
Jean Harlow est une bête de sensualité, quelque chose d'animal, une drôle de petite bête qui monte qui monte et nous saute au visage.
Pas si bête que ça. Pour finir de désarmer le dernier des combattants, elle laisse se révéler une délicatesse, une douceur qu'on n'a pu voir venir : regardez-la donc tenir son homme, le caresser, le pétrir, ses mains s'agitent avec tendresse. Non, il y a sûrement une femme là-dessous...
Capra+Willams+Young+Harlow, ça commence à faire beaucoup pour un film a priori ordinaire. Non, décidément un très grand film.