La première fois que j'ai vu ce film, c'était en salle, mais c'était déjà une nouvelle diffusion au milieu des années 80, je ne sais pas à quelle occasion. Sans doute le succès lors de sa première sortie en 1978. Je devais avoir entre 11 et 13 ans et j'ai le souvenir d'avoir beaucoup ri. Je l'ai revu ensuite une ou deux fois depuis et c'était déjà moins drôle. Aujourd'hui je le trouve bien entendu encore moins drôle. Voilà un film qui vieillit mal.
Cependant, il n'est en aucun cas homophobe, ni moqueur. Bien au contraire, par moments il est touchant et je suis sûr qu'il aura beaucoup fait pour l'acceptation de l'homosexualité. Certes, la follitude de Michel Serrault, comme des autres d'ailleurs, est passé de mode. Le scénario de Francis Veber, Édouard Molinaro, Jean Poiret et Marcello Danon s'inscrit bien sur le canevas que Jean Poiret avait échafaudé pour la pièce de théâtre initiale. Et il repose donc également beaucoup sur l'ultra-féminisation des hommes qui ne fait plus rire de nos jours. C'est pour cette raison qu'on peut effectivement parler de "vieillissement" pour ce film.
Michel Serrault en fait beaucoup, mais à sa décharge, il tient bien son personnage. On sent qu'il a de l'affection pour lui, pour sa mauvaise foi comme pour sa générosité naturelle.
Ugo Tognazzi est un acteur doué, mais j'ai du mal à l'entendre causer avec la voix de Pierre Mondy. C'est l'un des défauts récurrents de ces co-productions franco-italiennes qu'on a connues fort nombreuses dans ces années-là. Quoiqu'il en soit, je ressens une petite gêne, comme s'il se freinait. Je ne le trouve pas aussi impliqué que Serrault. Je peux me tromper, c'est un sentiment mal défini se basant sur quoi au juste? Je n'en sais rien. Il est vrai que c'est un acteur qui, à partir d'un certain âge, a davantage joué ses rôles de façon plus sobre que dans sa jeunesse où il a maintes fois osé le grotesque. C'est peut-être ce qui m'interpelle, je le trouve pas toujours clair dans l'expression, presque grave sur ce film.
J'ai plaisir à revoir Michel Galabru, ici dans un personnage très sévère, ultra-conservateur, austère et qui, peu à peu, est harassé d'emmerdes. Moins grandiloquent qu'à l'accoutumée, il est toutefois plutôt juste, ce qui n'est pas une surprise.
Ce qui vieillit également le film, c'est sa photo baveuse d'Armando Nannuzzi. Là encore, ce parti pris esthétique était très à la mode à l'époque. Trop. Je déteste cette photo à la David Hamilton totalement irréaliste. À se demander ce qui a pu plaire dans ce faux impressionnisme. Et plus le temps passe, plus ce type de filtre photographique semble enterrer les films de cette période lointaine marquée par une certaine artificialité injustifiée tant du point de vue esthétique que narratif.
Au delà de ces conjectures sur la forme, "La cage aux folles" mérite sans doute un hommage pour son rôle à la fois comique et sociétal dans la France de 1978, qui avait certainement besoin de se familiariser avec ces personnages, certes exubérants et donc un poil excessifs, mais profondément humains, aspirant à la normalité, au bonheur d'aimer, à la quiétude bourgeoise, au droit de rire et de pleurer comme tout le monde. D'une façon un peu explosive ou ultra-expressive, le film participe de ce mouvement vers plus de tolérance et a nettement imprimé sa marque par la caricature dans la société française. Indéniable. Peut-être que le grand succès de la pièce de théâtre originelle avait déjà impulsé cet élan généreux, mais le film touchant plus de public et ayant eu lui aussi un grand succès populaire a effectivement enfoncé le clou. Même si la caricature, les clichés peuvent paraître grossiers, il n'empêche qu'ils ont permis de poser un regard non plus méchant et violent mais adouci, clairement apaisé. Je comprends mal qu'on puisse se sentir agressé par ces personnages. Au contraire, beaucoup de tendresse s'exprime. Après, le ton et la manière sont peut-être un peu maladroits, mais le contexte, l'époque l'expliquent largement.
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