Autant le savoir dès le départ, "la captive” est une adaptation moderne d'une œuvre de Marcel Proust. Je dis ça car le film a de quoi rebuter et avoir lu "La prisonnière" doit certainement être un atout pour apprécier le film et comprendre la démarche de Chantal Ackerman.
Simon (Stanislas Merhar), un jeune bourgeois vit seul avec sa grand-mère malade (qu'on ne verra jamais) dans un appartement en travaux qu'il partage avec Ariane, sa maîtresse (Sylvie Testut). Très épris, il l'a séquestre même si elle est libre de ses mouvements dans la journée. Simon aime la regarder dormir (Ackerman nous offre de très belles compositions quasi picturales), seul moment ou il pense la posséder réellement mais il doute de la sincérité de ses sentiments à elle. Jaloux, il la suit parfois dans la rue à son insu et la suspecte d'avoir des relations saphiques notamment avec Andrée (Olivia Bonamy) qui l'accompagne lors de ses sorties aux musées, à des cours de chant ou à l’opéra. Souffrant d'asthme chronique et travaillant chez lui, il ne sort presque jamais et sa passion possessive le dévore au point de devenir lui-même captif de son obsession.
Il s'enferme de plus en plus, enquête sur Ariane, questionne ses amies et souffre de son incapacité à percer à jour cette fille imperceptible et volage qui semble lui mentir. Il cherche aussi à comprendre l'union secrète de ses femmes qu'il tend à sublimer et à jalouser. Pour ne plus souffrir, il lui propose de se séparer et son refus accentue encore plus son désarroi, son incompréhension et son impuissance. L'espoir d'un nouveau départ se poursuit par une balade en bord de mer mais Ariane disparait en pleine nuit, probablement happée par la mer.
Le langage de Marcel Proust transposé dans notre monde contemporain est assez déroutant (les vouvoiements notamment) et on a parfois l'impression d'être dans un film de Carax (le romantisme exacerbé), la poésie en moins même si le film de Chantal Ackerman est très bien filmé et offre une palette de cadrages et de plans assez intéressants. Les plans séquences sont d'ailleurs très réussis.
Il vaut mieux avertir le spectateur que ce film à peu de chances de vous "captiver" si vous n'êtes pas familiarisé avec l'écriture et l'œuvre de Marcel Proust, ce qui est mon cas. Ce romantisme à fleur de peau semble anachronique, d'un autre siècle, pourtant, les thèmes du film : l'amour, le féminisme, ce qui nous échappe, ce qui nous fait souffrir, l'homosexualité, semblent tenir à cœur de la réalisatrice belge qui livre ici un film complexe, romanesque et esthétiquement irréprochable. Les métaphores et autres significations de telle ou telle scène se cumulent à la pelle et j'avoue que beaucoup m'ont échappé.