L'histoire raconte les aventures de trappeurs qui remontent en bateau le fleuve Missouri pour acheter des fourrures aux Indiens Blackfoot.
Le cinéaste de la Nouvelle Vague Jacques Rivette dans son article « Génie de Howard Hawks » écrivait que tous les scénarios de Hawks racontaient la même histoire : celle d'un amour entre deux hommes qu'une femme vient bousculer.
Il semble bien qu'il n'ait pas vu beaucoup de films de Howard Hawks, mais ce Big Sky valide le concept. Il s'agit donc d'un triangle amoureux isocèle avec une belle Indienne à la base que courtisent chacun de leur côté et avec égalité de chance deux amis aventuriers intrépides. En arrière-plan, sous le Big Sky, les trappeurs courbés sur les rames de leur bateau navigant à contre-courant, le laborieux halage pour tirer le bateau sur les rapides, la crainte perpétuelle des attaques des Indiens Crow, nommés Aigles ou Corbeaux en VF (?), les embuscades tendues par les trappeurs de la compagnie rivale prêts à tout pour éliminer les concurrents, un enlèvement et une disparition. Le bateau est conduit avec autorité et humanité par Zeb Calloway, Arthur Hunnicutt dont c'est le rôle peut-être le plus connu et qui fait aussi la voix off. Les seconds rôles de l'équipage franco-américain ont tous de l'envergure et portent curieusement des noms français, et pour une fois à Hollywood ils n'ont pas des rôles caricaturaux. Pareil pour les Indiens Blackfoot qui pour une fois parlent leur propre langue et ne se contentent pas de dire Hugh ! Et pour la partie humoristique, Hank Worden, vu dans seize films aux côtés de John Wayne, joue « Pauvre Diable », un Indien rigolard atteint dans son enfance d'un léger choc sous le scalp. Mais au lieu de s'en moquer, Hawks en fait un ami courageux sur qui on peut compter.
Comme dans la Rivière Rouge les personnages comptent plus que l'histoire et les trois principaux d'entre eux se dévoilent par l'évolution de leurs rapports et de leurs conflits.
Big Sky c'est d'abord Kirk Douglas, l'un des deux aventuriers rivaux et néanmoins amis, qui comme toujours éclipse ses partenaires, qu'il soit complètement saoul dans un bar, qu'il se bagarre ou qu'il chante avec entrain en français ♪♪ Oh whisky laisse-moi tranquille ! ♪♪ Moins flamboyant et plus introverti est son ami, au départ hostile aux Indiens, interprété par Dewey Martin. Teal Eye , « Œil de Sarcelle », traduit par Gazelle en VF (?), est si convaincante en Indienne, avec sa démarche furtive et son regard noir, que l'on pourrait croire que l'actrice est une vraie amérindienne. C'est en fait un mannequin du nom de Elizabeth Threatt. Tour à tour sauvage, mystérieuse, agressive puis tendre, infirmière dévouée qui réchauffe de son corps un blessé puis princesse indienne, elle contribue beaucoup au charme des images. L'aventure se terminera par un coup de poignard de Teal Eye grâce auquel elle défait les nœuds de son tipi. A la surprise du principal intéressé, cela signifie chez les Pieds Noirs qu'il est désormais marié en bonne et due forme. Et à la surprise des spectateurs de l'époque. Un mariage mixte, même au cinéma, ce n'était pas vraiment passé dans les mœurs à l'époque du tournage.
Mais c'est l'amputation d'une partie du film par la RKO, la société de production d'Howard Hughes, qui est responsable en grande partie de l'échec commercial de ce western. Pourtant c'est l'un des meilleurs films de Hawks, qui prouve ici son art de filmer sous les meilleurs angles ses personnages qu'ils soient de premier ou de second plan, et même c'est l'un des meilleurs westerns que je connaisse.