D/s et Déesse

Malgré ses origines suédoises, La Cérémonie est le second documentaire francophone qui décortique les pratiques BDSM, agrémenté d'interviews de ses plus fervents adeptes.

En 2009 (pour une sortie tardive en 2011), le cinéaste Jacques Richard s'acoquinait avec la dominatrice Maîtresse Léïa afin de présenter un univers SM plus ou moins accessible, voire plus ou moins populaire, qui s'étendait de la France à la Belgique dans le fort intéressant D/s, disponible depuis en DVD. Découpé en deux parties bien distinctes, le documentaire s'achevait avec une séance BDSM proprement hallucinante où ne résultaient, finalement, que des actes d'amour atypiques.

Avec La Cérémonie, Lina Mannheimer dresse un portrait largement différent et nettement plus cérébral de cette sexualité très particulière en nous guidant dans l'univers de Catherine Robbe-Grillet, âgée de 85 ans lors du tournage, auteure, comédienne et maîtresse de cérémonie sadomasochiste toujours active. Veuve du célèbre romancier et cinéaste Alain Robbe-Grillet, elle sévit sous le pseudonyme de Jeanne de Berg au sein de son propre univers où ses sujets serviles la portent inconditionnellement aux nues jusqu'au rang de Déesse.

À cent mille lieues des activités pseudo D/s de milliers de jeunes françaises s'adonnant à de la mendicité via les réseaux sociaux sous le couvert de pratiques intitulées moneyslavery (esclavage financier) en profitant de la misère sexuelle ambiante, les cérémonies organisées par Jeanne de Berg auraient très bien pu s'intégrer dans une œuvre cinématographique telle que Eyes Wide Shut tant la théâtralité y est omniprésente pour finalement ne pas dévoiler grand-chose.

Intellectualisant les rapports D/s et le fétichisme des corps jusqu'à l'excès, Catherine Robbe-Grillet reste indéniablement mystérieuse quant à ses pratiques SM et devient bien plus passionnante lorsqu'elle narre sa relation avec son défunt mari dont elle avoue ici n'en être jamais tombée amoureuse, prétextant sa sexualité libertine aguerrie comme une forme de frein à tout amour passionnel.

Quant à ses sujets serviles, femmes comme hommes, il est très touchant de les écouter narrer leur adoration illimitée pour cette maîtresse dominatrice sans pour autant réellement connaître leur implication sous son joug.

Un documentaire intéressant, parfois même passionnant, mais bien trop délicat et timoré pour y être véritablement sensible. Dommage.