Grand nettoyage
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le 9 août 2015
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Sorti en 1995 et réalisé par Claude Chabrol, le Hitchcock français, La Cérémonie est un pur thriller psychologique Hitchcockien. C'est aussi un film adapté du roman britannique L'Analphabète (A Judgement in Stone), lui-même inspiré de l'affaire des sœurs Papin au Mans (1933) ... la boucle est bouclée. On y retrouve donc toute la fascination de Claude Chabrol pour Alfred Hitchcock (l'étude de la nature humaine, la pesanteur d'une société puritaine, la lutte entre le bien et le mal ...), mais aussi les fameuses scènes de bouffe et un humour décapant qui n’empêche pas la finesse d’analyse des thèmes récurrents chez Chabrol : la bourgeoisie de province, la bonne bouffe, le mal absolu, la culpabilité ... Bref, à l'image d'un Woody Allen ou des son idole Alfred Hitchcock, Claude Chabrol fait un peu toujours le même film. Mais avec La Cérémonie, nous avons peut-être là son meilleur film.
La Cérémonie c'est en quelque sorte la lutte des classes revue et corrigée par Claude Chabrol. C'est la rencontre explosive entre une famille bourgeoise de St Malo (les Lelièvre) qui ne manque de rien et deux jeunes femmes frustrées (la bonne et la postière) qui sont envieuses et (trop) curieuses. Cette petite famille "recomposée" les Lelièvre, se compose donc de George (Jean-Pierre Cassel) et sa fille Mélinda (Virginie Ledoyen), ainsi que de Catherine et son fils Gilles (Valentin Merlet). Ils sont tous très polis, très cultivés et nagent dans le parfait bonheur ... tout ça, c'est presque trop propre pour être vrai. La bonne, c'est Sophie Bonhomme (Sandrine Bonnaire), une jeune femme analphabète, timide et introvertie. La postière, c'est Jeanne Marchal (Isabelle Huppert), une jeune femme agressive, fouineuse et vulgaire. Très vite, l'atmosphère devient anxiogène entre les Lelièvre et les deux jeunes femmes et la tension monte jusqu'à l'explosion, dans un final ahurissant de violence et de froideur.
Dans La Cérémonie, toutes les relations entre personnages sont ambiguës, entre les Lelièvre et les deux jeunes femmes, mais aussi au sein de la famille Lelièvre, ou entre la bonne et la postière. Le propos n'est jamais manichéen ici, puisque cette famille bourgeoise s'avère être "des gens bien sous tous rapports", une famille qui ressemble à toutes les autres, humaine, sympathique et aimante, ne pensant pas à mal et cherchant à aider les deux jeunes femmes. A contrario, cette postière et cette bonne sont dépeintes comme les victimes d'un système, moquées pour leur apparence physique, leur timidité, leur vulgarité, ou leur manque d'éducation, mais ne sont-elles pas les plus impitoyables personnages de l'affaire ? L'ambiguïté des caractères étudiés et l'inversion progressive des rôles, créent un suspense insoutenable jusqu'à l'explosion finale.
La Cérémonie est un modèle du genre, un film noir et cynique à la mise en scène chirurgicale. Claude Chabrol film cette demeure comme un lieu étouffant, un piège des frustrations passées et à venir. Le petit jeu qui se joue entre les riches et les prolétaires, sous couvert de courtoisie, est à la fois réjouissant et glaçant. Claude Chabrol met en scène une folie à deux, entre Isabelle Huppert (César de la meilleure actrice) dont la folie maitrisée fait froid dans le dos et Sandrine Bonnaire dont la rage contenue touche par son inhumanité. La Cérémonie coche toutes les cases du grand film, avec un grand réalisateur et deux grandes actrices en parfaite communion.
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Créée
le 14 nov. 2024
Modifiée
le 14 nov. 2024
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