Découvert enfin ce Verhoeven vieux de trente ans, et qui, bien sûr, a vieilli sur plusieurs plan ; mais j'ai été totalement emballé. Son indépendance formelle (qui pourrait rappeler quelque peu Excalibur de Boorman), sa mise-en-scène qui colle parfaitement, sans scorie, à ce quelle montre : des situations brutes, simplement humaines (compréhensibles par tous), loin des clichés et des morales convenues, font vraiment plaisir à voir. Certes, les scènes de bataille ne sont peut-être pas à la hauteur des attentes d'un spectateur de l'époque de Game of Thrones. Mais sur un plan humain et narratif, ce film est d'une puissance qui me paraît indémodable. Les raisons de cette réussite résident aussi dans l'écriture des deux personnages principaux, et leur impeccable interprétation. Les fans de Blade Runner ou des Verhoeven pré-Hollywood savent que Rutger Hauer est l'un des acteurs européens les plus charismatiques de la deuxième moitié du XXème : c'est ce que l'on vérifiera ici. Quant à Jennifer Jason Leigh, très jeune dans le film (je viens de vérifier : elle a 23 ans, mais elle fait vraiment moins), elle est époustouflante. Son rôle - qui est finalement le vrai rôle principal - est complexe, ambigu, difficile, comprenant beaucoup de scènes de nus ; or l'actrice tient parfaitement la route, sans pour cela se perdre dans des "morceaux de bravoure" à l'américaine comme le ferait aujourd'hui (par exemple) une Keira Knightley...
A noter aussi le traitement particulièrement réussi de l'érotisme. Peut-être parce que l'auteur a compris que le sexe n'est pas voué à n'être qu'un élément décoratif et racoleur (tiens, Game of Thrones...), mais peut révéler une grande épaisseur humaine chez les personnages, et constituer en soi un véritable noeud dramatique. Au fond, derrière la légendaire "brutalité" de Verhoeven, on trouve plus d'intelligence et de délicatesse que chez beaucoup de ses détracteurs... S'il s'oppose au puritanisme, et choisit de se placer "par delà le bien et le mal", il serait bien stupide de croire que ce n'est que par provocation. Au contraire, c'est cette vision indépendante et profonde qui lui permet de mettre en scène des conflits humains sans vains bavardages, mais non sans une rare subtilité : la preuve avec l'héroïne de ce film.
(NB : on peut lire l'entretien que le réalisateur accorde aux Cahiers ce mois-ci - octobre 2015 -, qui a l'air fort intéressant...)

Saul_Shao_Gael
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le 9 oct. 2015

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