Il faut passer outre ce côté agaçant des personnages, largement caricaturaux. Ce florilège d'individus échappé d'un Woody Allen, domicilié nécessairement sur la 5e avenue, ayant parcouru le monde, publié des livres, donné des conférences... Tout ça fait très artificiel pour un sujet on ne peut plus universel. Il n'est pas nécessaire d'avoir été reporter de guerre et d'avoir côtoyé la mort de près, pour avoir du courage quand elle vient toquer à la porte. Cette facilité est le point faible du film. Tout comme est artificiel ce monde où les réparties sonnent trop justes, en accord avec la plus solide intelligence et la logique la plus élémentaire ; alors que les comportements humains sont davantage commandés par l'irrationnel et l'imprévisible, a fortiori dans des circonstances extrêmes.
Mais une fois l'objection levée et le parti-pris accepté, le film reste bluffant. L'interprétation est grandiose. Clairement les acteurs sont tous excellents, même si on retient fatalement la performance de Tilda Swinton en premier lieu. La photo est tout autant époustouflante. Très esthétiques, les plans sont autant de compositions picturales, à l'image de ce générique de fin où l'image se fige comme un tableau d'Edward Hopper, dont on évoque la peinture au cours du film. La musique très présente tout du long, comme en sourdine, est par ailleurs très bien employée et renforce l'immersion du spectateur dans l'histoire.
L'émotion est là, largement palpable, et en dépit de ses maladresses de départ, La chambre d'à côté marque durablement.