J’ai rien aimé dans ce film. Les personnages sont pas attachants, le scénario est plat, et surtout le ton est froid, complètement détaché de son sujet et de la réalité.
Commençons par les personnages : celui de Tilda Swinton. Pardon mais la maladie n'excuse pas tout (où alors il faut s'en servir) : qui force une amie à assister à son suicide pendant un mois entier, dans une baraque paumée au milieu de la campagne ? Elle voit bien que c’est dur pour elle. Le perso de Julianne Moore est horrifiée par la mort, c’est un thème qui la hante, ce qui lui vaut d’ailleurs un succès en librairie… Ok, peut-être que c’est parce que ça l’obsède qu’elle reste. Mais quand même, la torture ! Il faut qu’on en parle.
L’euthanasie est un vrai sujet, et la mort devrait pas être autant un tabou dans nos sociétés, sauf que là, c’est pas ce que le film traite. Le sujet, c’est la relation entre une femme qui veut se suicider, pour reprendre le contrôle sur le cancer, mais qui, paradoxalement, peut pas le faire toute seule. Et c’est là que ça coince. Le film creuse pas du tout cette dynamique. À aucun moment on capte clairement les intentions des personnages. On sait pas si Tilda a des remords d’entraîner Julianne dans sa « mort ». On sait pas non plus pourquoi Julianne reste alors qu’elle en peut plus de ce calvaire. Pour l’héritage, peut-être ? Ça sort de nulle part à un moment : elles sont en balade dans la forêt, et Tilda lui balance qu’elle pensait tout lui léguer à elle et à sa fille. Surprise… Julianne a littéralement zéro réaction et enchaîne sur un autre sujet. Dommage...
Le pire, c’est lors de l’interrogatoire de police après que Tilda se soit donnée la mort. C’est tellement mal écrit. Le flic arrête pas d’accuser Julianne d’avoir su pour le suicide, mais l’idée est totalement incongrue. Franchement, imaginez le supplice : rester là, à attendre que son amie meure. Ce serait presque plus humain qu’elle ne lui ait pas dit, non ? La plupart des gens qui se suicident n’en parlent pas à leur entourage, alors pourquoi elle aurait dû ici ? Y’a rien de naturel dans les déductions du flic, et ça se sent : l’auteur parle à travers les personnages, et ça sonne faux.
En parlant de suicide, le film essaye de nous faire croire qu’il y a une différence avec le terme « euthanasie ». Mais ce que fait Tilda, c’est pas de l’euthanasie. Encore une fois, si on veut défendre cette cause, faut que ce soit clair et encadré. L’euthanasie, c’est confier sa mort aux mains d’un professionnel de santé. Se donner la mort et demander à une amie d’y assister, c’est se suicider. Et dans ce contexte, c’est un abus psychologique, point.
Ensuite, l'intrigue… ou plutôt l’absence de chair dans le scénario (sans mauvais jeu de mots). Il se passe absolument rien. Pas de progression entre les deux amies. Juste des scènes où elles vivent des petits moments, toujours sur la même rengaine : Tilda qui se plaint avec un regard dans le vide, et Julianne qui angoisse. On peut quand même parler d’une incohérence flagrante en lien avec le titre du film : La Chambre d’à Côté. On a compris, elle devait dormir à côté, mais Julianne choisit de s’installer en bas. Du coup, chaque fois qu’elle se réveille pour vérifier que la porte de Tilda est ouverte (signe qu’elle s’est pas tuée), elle doit monter les escaliers. Cette scène devient un petit rituel, je le reconnais, ça gagne en suspense. Mais à la fin, quand Julianne revient avec la fille de Tilda, pouf, ça disparaît. À peine la porte d’entrée fermée que sa fille demande à voir la chambre de sa mère. « C’est juste ici… » Ah bon ? Depuis quand la chambre est au rez-de-chaussée ? C’était trop compliqué de la faire monter les escaliers ? Pour économiser du temps et accentuer le pathos, on zappe les marches… Comme si le spectateur allait pas remarquer.
Pour conclure, j’ai trouvé le film d’une froideur glaçante. Aussi glaçante que cette surcharge d’esthétisation dans les costumes et les décors, qui fait que refléter la superficialité de ces deux bourgeoises égocentriques. Cet entre-soi ultra refermé traduit bien l’intériorité d’Almodóvar : au lieu de faire un film sur la mort et sur deux femmes, il plaque ses angoisses d’artiste torturé, complètement déconnecté des autres.