La mort vous blase si bien
Pedro Almodóvar, au fil d’une longue et flamboyante filmographie (plus de vingt films en plus de quarante ans de carrière), s’est sans cesse confronté à la mort, qu’elle soit liée aux désirs, aux...
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Pedro Almodóvar, au fil d’une longue et flamboyante filmographie (plus de vingt films en plus de quarante ans de carrière), s’est sans cesse confronté à la mort, qu’elle soit liée aux désirs, aux passions, aux pulsions ou, plus simplement, aux aléas de l’existence, à sa finitude. Une mort souvent bariolée et délirante, du Labyrinthe des passions à Kika, puis plus feutrée, plus introspective, à partir de La fleur de mon secret jusqu’à cette Chambre d’à côté où l’on attend, calmement, la Faucheuse dans une maison d’architecte nichée au milieu de la forêt. Almodóvar, pour son premier long métrage tourné en Amérique, a adapté le roman de Sigrid Nunez (Quel est donc ton tourment ?) qui voit deux amies se retrouver, après plusieurs années sans nouvelles, quand l’une d’elle, ancienne reporter de guerre, est atteinte d’un cancer incurable et va demander à l’autre, autrice, de l’accompagner dans sa démarche de fin de vie (sachant que le suicide assisté est non autorisé aux États-Unis).
Un thème fort et d’actualité, encore tabou dans de nombreux pays, Tilda Swinton et Julianne Moore, deux des plus grandes actrices actuelles, réunies pour la première fois devant la caméra d’Almodóvar : forcément, on ne pouvait que trépigner d’impatience. Mais tout, dans La chambre d’à côté, ne provoquera que soupirs, ennui et déceptions. L’écueil principal, et on se demande bien comment un cinéaste tel qu’Almodóvar a fait pour en arriver là, demeure l’absence totale d’émotions. Certes, La chambre d’à côté est un film visuellement hyper maîtrisé, maîtrisé dans ses décors, dans l’emploi des couleurs, la composition des cadres et les clins d’œil à quelques peintres américains (Hopper et Wyeth en particulier).
Mais c’est un film figé dans ses belles manières et qui, in fine, ne saura qu’être élégant (on n’est jamais loin d’ailleurs du magazine de décoration intérieur pour cadres sup, de ceux que l’on feuillette, négligemment, en salle d’attente). Swinton et Moore ont beau livrer de touchantes interprétations (et encore, on les a connues plus inspirées et plus inspirantes, notamment chez Guadagnino, Ramsay, Haynes ou Anderson), rien n’empêche le récit de s’enliser dans une sorte de conformisme pépère (pardon, de «mise en scène poétique et débordante de sérénité» ont dit les critiques, étrangement énamourées). Tout est comme effleuré, prévisible, et le sujet sur l’aide active à mourir, à mourir au moment que l’on choisit, n’est finalement jamais abordé de front, le film se contentant en réalité de ne lancer que des pistes sans les traiter en profondeur, d’autant qu’Almodóvar cherche à parler de trop de choses à la fois (l’amitié, l’amour, les relations mère/fille, l’état du monde…).
Et il faut se pincer fort, très fort, pour prendre au sérieux cette critique, peu subtile, de la loi interdisant le suicide assisté et garante de soi-disant valeurs morales (qu’incarne, à lui seul, un flic caricatural au possible) ou ce laïus, grotesque, déboulant comme un cheveu sur la soupe à propos du réchauffement climatique et de la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays, balancé par un John Turturro visiblement peu inspiré (et on le comprend). Pour donner le change à ce pataquès narratif, Almodóvar croit bon de s’autoriser plusieurs flashbacks franchement maladroits ou quelques références cinématographiques inévitables. On citera ainsi le Persona de Bergman, voire le Hitchcock des grands drames psychologiques (Rebecca, Les amants du Capricorne, Pas de printemps pour Marnie…), dans ce sentiment d’ambiguïté qui, parfois, se décèle dans le lien sincère, mais peut-être équivoque, qui s’est instauré entre Ingrid et Martha.
Martha ne cherche-t-elle pas, stratégiquement, quelqu’un pour la soutenir dans sa volonté de transgresser la loi ? Ou, plus simplement, quelqu’un pour être là, à ses côtés, de peur de mourir seule, seule derrière cette porte rouge ? Ingrid a-t-elle vu, dans la maladie de Martha et sa requête, le moyen de conjurer enfin son angoisse de la mort ? On citera également Les gens de Dublin, dernier film de John Houston (qu’il réalisa très malade) évoquant la mort lors d’un repas de réveillon (la nouvelle de James Joyce s’appelle The dead, on ne peut pas faire plus clair), et qu’Ingrid et Martha mentionnent plusieurs fois. Almodóvar en reprend même le monologue final pour conclure son film, sans se rendre compte une seconde du décalage créé. Sans se rendre compte que la beauté des mots de Joyce et des images de Houston est à mille lieux de son film, fade et compassé.
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