La langue anglaise, plus sèche et moins complexe que l'espagnol, est a priori moins adaptés au cinéma de Pedro Almodóvar mais le cinéaste prouve qu'il sait s'adapter et puis, il a changé, lui aussi, assagi, d'une certaine manière, si l'on fait référence au baroque passé de son esthétisme mais pas moins engagé, cependant, dans des combats qui lui tiennent à cœur, dans ce monde qui vacille. Mais le sens du romanesque est bien toujours présent dans l’œuvre du réalisateur espagnol et même si, ici, le sujet se rapproche de la tragédie, qui d'autre que lui pourrait lui donner cette aura lumineuse, aux portes du mélodrame, mais avec la pudeur et l'élégance somptueuses d'une condamnation amour ? Almodóvar n'est plus le peintre des excès, certains le regretteront sans doute, mais désormais plus Hopper que Dali, il n'a nullement perdu la maîtrise de son art, illuminant l'amitié, la fragilité de la vie et la sororité de couleurs vives. Loin d'être un requiem, La chambre d'à côté est un hymne chatoyant à la dignité et à la liberté de chaque être humain, face au plus grand vertige de l'existence. Amoureux inconditionnel des actrices, le cinéaste a choisi, en Tilda Swinton et Julianne Moore, deux des plus remarquables de l'époque, sublimes, cela va sans dire, dans un film poignant dans sa douceur qui parvient à la sérénité, toutes douleurs bues.