Bonjour tout le monde,
Je vous propose comme titre
de ma réflexion autour du film :
" La chambre d' à côté" de Pedro Almodovar:
Le titre de cette œuvre cinématographique,irréductible, philosophique et poétique , est si simple , banal et précis ...............Une chambre .....La chambre ...plus précisément et .....qui se situe à côté ............de qui? De quoi?.....
Lorsque l' essentiel côtoie l'anodin !
Recevoir un film de Pedro Almodovar nécessite une attention de chaque instant , car tout y est méticuleusement préparé et ainsi partagé.
Primo , je vous propose plusieurs liens internet pour , éventuellement, en connaître plus sur :
- Tilda Swinton :
https://m.imdb.com/name/nm0842770/,
- Julianne Moore :
https://m.imdb.com/name/nm0000194/,
-John Turturo :
https://m.imdb.com/name/nm0001806/,
- Alberto Iglesias, compositeur des musiques des films de Pedro Almodovar :
https://en.wikipedia.org/wiki/Alberto_Iglesias,
- Pedro Almodovar :
https://www.esmadrid.com/fr/une-promenade-dans-le-madrid-d-almodovar.
Secondo , je vous signale une dossier très complet sur ce grand cinéaste espagnol dans les colonnes de la revue Positif, de janvier 2025, que Martin Scorsese considère comme la plus pertinente et meilleure au monde.Je partage ce point de vue en plaçant, toutefois , la revue Les Cahiers du Cinéma en seconde position.
Tertio, je vous recommande de lire le plus récent livre de Pedro Almodovar paru , à savoir " Le dernier rêve " aux éditions Flammarion ( octobre 2024).
Cela écrit , explorons ce long métrage dense , intense et savamment filmé.
En qualité de présidente du jury, Isabelle Huppert a décerné le Lion d’or à " La chambre d' à côté " de Pedro Almodovar et voici quelques mots de ce grand cinéaste :
«............ Je crois que dire adieu à ce monde proprement et dignement est un droit fondamental de tout être humain .............» .En recevant cette distinction, cette œuvre cinématographique s’éloigne de ses films transgressifs, flamboyants, mélodramatiques, et exubérants ,pour livrer un long métrage poignant à la beauté solaire, lunaire et colorée comme souvent chez ce créateur . Un tableau vert, rouge et jaune d’une force poétique renversante, magnifie deux actrices magistrales et sublimes.
L' art cinématographique , paré de toutes les vertus, même celle de l’immortalité, survit à la mort, reconstitue les étreintes brisées. Une porte rouge sur fond jaune d' or ! Voilà les couleurs de l' affiche . Pouvons - vous ouvrir cette porte ? Oui essayons .............
Quant à la photographie, Pedro Almodóvar a choisi ,pour la première fois, l'espagnol Eduard Grau, actif dans le cinéma international, qui est membre de l'American Society of Cinematographers et il considère comme un « incroyable honneur » de travailler avec Pedro Almodóvar. Il fut décidé d'utiliser la caméra Arri-Alexa-35 et des objectifs anamorphosés Panavision pour les prises de vue.La couleur devait être au centre ainsi que la beauté « non négociable » des actrices principales. « Nous voulions faire un long métrage complètement almodovarien, rendre hommage à son style autant que possible et rester fidèles à l'histoire et à ses personnages », explique Eduard Grau. Admirons les jeux des couleurs et des ombres partout et sublimement sur les " visages paysages " de Tilda Swinton et Julianne Moore.
Après la première vision de cette œuvre , on pourrait penser au " livre de l' intranquillité " de Fernando Pessoa et plus particulièrement à ceci :
" Puisque la vie ne nous a rien offret d' autre
qu' une cellule de reclus ,
alors tentons de la décorer,
ne serait-ce que l' ombre de nos songes,
dessins et couleurs mêlés
sculptant notre oubli
sous l' immobile extériorité des murailles ."( Éditions Christian Bourgeois , page 331).
Qu ' en pensez - vous ?
En début de film , Ingrid, dédicace son récent livre , et, timidement , une personne demande à cette autrice: " Pouvez-vous écrire ceci :"Ça n' arrivera plus ".Ingrid écrit cela et la quidam s' évapore .......Nous ne saurons jamais pourquoi ! Voilà un des charmes de ce réalisateur qui instille, deci delà, des embryons d' histoire , poétiquement et homéopathiquement............
Sans être exhaustif, j' ai remarqué, au fil des plans séquences de ce long métrage:
- un énigmatique extrait d' un film de Buster Keaton qui , seul, tâche d' éviter les rochers qui tombent autour de lui,
- Un coup de chapeau au magnifique " Personna" d' Ingmar Bergman.
- Un sublime extrait du film " Gens de Dublin" ( 1987),qui est un chef d'œuvre de John Huston , adapté d' un chef d'œuvre littéraire de James Joyce évidemment et son épilogue couvert de neige naturellement. En effet ,
la chute de neige , à la fin de la dernière des nouvelles qui composent "Gens de Dublin' de James Joyce, est une des plus belles choses jamais écrites, une des plus douces, des plus justes et des plus tristes. Une des plus humaines. Il en va de même de la scène finale de" Gens de Dublin' , le dernier film de John Huston et où ces mots résonnent encore et encore ...
-La toile "People in the sun" (1960) d' Edward Hopper et ses cinq personnes figées sur des chaises longues, inexpressifs,face au soleil .
-Le temps d ' un flash back, Pedro Almodovar invite dans son film le tableau obsédant " Christina ' s world" d' Andrew Wyeth, et cetera.
" ....C' est exact ......Tilda Swinton se réincarne dans les deux femmes : à la fois dans sa fille et dans le personnage de Julianne Moore......Ingrid qui déclame la fin de la nouvelle "Les morts " de James Joyce que le personnage de Martha cite souvent auparavant......
A l' heure actuelle, en Espagne, la sphère publique est dominée par des messages de haine . Je voulais montrer au contraire une relation pleine d' empathie et de sollicitude.......Je fais intervenir beaucoup d' œuvres dans mes films........."
Le précédent long métrage de Pedro Almodovar , à savoir " Madres paralelas" ( sorti en 2021) traite de deux femmes qui donnent la vie en même temps.Cela peut être mis en perspective avec celui-ci où il y aussi deux protagonistes feminines principales.
Une citation :
" Je ne vous ai pas dit
regarder
je vous ai dit
écouter , entendre
entendre ". ( Jean Luc Goddard/Éloge de l' amour).
Jean Luc Goddard très âgé, très fatigué et très malade , a décidé de pratiquer le suicide assisté en Suisse , voici deux années,où il existe une loi pour cela .
Ici , Pedro Almodovar nous conte la demande de Martha en direction de son amie Ingrid de l' assister dans sa décision qui pourrait se réaliser dans une très belle et vaste villa au coeur de paysages sublimes.
Le coeur de cette œuvre cinématographique se love autour de la relation amicale de ces deux personnages qui se connaissent de longe date , qui sont cultivées et qui se confient l' une , l' autre . On aurait apprécié que les flash backs initient une force plus dense et nettement plus complémentaire aux évènements du temps présent, selon le tempo de ce long métrage foisonnant quant aux arts et aux moments cinématographiques quasiment hypnotiques comme sait le faire ce réalisateur espagnol inventif et transgressif..........
Le cinéma de Pedro Almodovar évolue et bien tant mieux ! Il a bien le droit et la liberté pour lui
heureusement......
Sciemment, Pedro Almodovar fait habiter et vivre l' esprit et le corps de Martha dans cette villa si richement ornée mais , également, en l' âme de sa fille , voire celle d' Ingrid après son geste définitif . Tilda Swinton est filmé comme un fantôme bienveillant. Cela peut déconcerter . Cela peut énerver . Cela est la mise en scène du maestro espagnol.
Toutefois, nous assistons à un étalage de culture artistique remarquable mais, peut-être, un peu trop démonstratif.............
Plusieurs plans séquences et plans fixes impriment notre imaginaire et notre rationalité.
Ainsi , le visage/ paysage diaphane de Martha , solaire et lunaire , immobile sur le transat avec l' ombre de sa tête comme une annonce de la fantasmagorique "femme ombre , phantasme fantôme féminin " qui clôture le film peut-être.....
Souvent, les grands films ajoutent du temps dans le temps filmé .Est - ce le cas ici ?
J' ai tendance à écrire , sans être équivoque, peut-être que oui ..............
"La chose la plus belle est la connaissance de soi parce que c' est la seule façon de devenir tolérant et indulgent vis à vis des autres ". ( Citation de Dalida , au cours de l' émission " Microfilms" de Serge Daney en 1986).
Mais également :
"Le visuel ( qui est l' essence de la télévision) est le spectacle qu' un seul camp se donne de lui - même tandis que l' image ( qui fut l' horizon du cinéma) est ce qui naît d' une rencontre avec l' autre , fut- il l' ennemi......". ( De Serge Daney/ Maison cinéma et le monde / tome 3).
Ainsi, "La chambre d' à côté " regarde le monde autour pour espérer, peut - être,
au delà du lion d' or de Venise de 2024 , faire bouger les lignes du jugement , clos et soi- disant irréfragable , que tout être humain, partiel et partial, accomplit chaque jour en essayant , parfois, d' instiller un peu de doute positif pour apaiser les débats inutilement passionnés sur le thème de l' euthanasie ou , plus exactement, du choix réversible de décider lucidement de quitter volontairement la vie .........
Or donc Martha a obtenu la substance, ad hoc, sur le dark web! Donc , il faut s' y connaître pour aller naviguer dans ces eaux virtuelles illégales et mystérieuses pour un béotien ignare comme moi en sciences " dark webiennes "! Et cetera .
" Un grand film traverse les décennies sans vieillir". ( De Michel Ciment/ interview du Figaro ).
L' affiche rouge et or de " La chambre d' à côté" vieillira à coup sûr ( la version en papier ) mais ce film de Pedro Almodovar sera- t - il un grand film défiant la dictature implacable du temps ?
Pour ma part je suis " mi - figue , mi - raisin " .............
Quant à vous , quelle est votre appréciation ?
Bien à vous.
Gérard Michel