La caméra d'Almodovar aurait-elle pris une pilule d'euthanasie ? Le spectateur n'en aura en tout cas pas besoin — l'ennui le tuera bien assez vite. Ce film suscite de tous bords un engouement bien incompréhensible - effet de mode ? Thématique tendance autour de l'euthanasie ? Les éclaireurs Senscritique ne sont pas en reste (la thématique de la mort « irritera – à moins que cela ne les laisse indifférents – les plus jeunes parmi les cinéphiles, pas encore concernés par ces interrogations existentielles… », explique EricDebarnot, pour qui la jeunesse semble n’être qu’une tribu d’écervelés boutonneux incapables de ressentir la moindre turpitude existentielle…).

Et pourtant, rien ne se dégage de La chambre d'à côté : pas d'attachement pour les personnages, pas d'émotion, aucune surprise. À côté d'un film si plat, la Belgique eut mérité le doux sobriquet de montagneux pays. On se contente de suivre un programme établi, sans le moindre rebondissement.

(Ah si, il y a quand même un : la porte est fermée une première fois dans le film mais c'est dû un courant d'air, Marta/Tilda Swinton n'est pas encore morte : y-a-t-il honnêtement un spectateur qui n'avait pas vu la ficelle venir ?)

Papi Pedro ne se contente pas de les faire bailler, mais, plus grave, prend ses spectateurs pour des imbéciles : est-il bien utile pour Marta de répéter à quatre reprises le titre du film à son amie : « je veux que tu sois dans la chambre d’à côté » ? Tout ça pour qu’elle emménage dans la chambre d’en dessous... Même chose avec le motif de la neige : la première fois c'est assez beau (surtout grâce à la citation de Joyce, il est vrai), la deuxième fois ça commence à agacer, la troisième, ça donne envie de se lever et de quitter la salle - ouf, c’est la dernière image du film… L’adage est connu : ce fameux show don't tell que Papi Pedro a semble-t-il oublié… On nous répète par exemple à plusieurs reprises que Ingrid /Julianne Moore a « peur de la mort ». Super, mais ce n’est pas en martelant un message que le spectateur y croit… Et pourquoi accepte-t-elle pareil marché dans ce cas ? Il y a peut être là une brèche pour créer quelque chose d'intéressant, mais non, rien, encéphalogramme plat. L'intimité entre les deux femmes semble aller de soi : si une petite fâcherie survient, des excuses remettent aussitôt la relation sur les rails de la bonne entente. Il y aurait pourtant sans doute un grain d'orage, de rouerie psychologique à glisser dans cette relation, ne serait-ce qu'un soupçon... De plus, quel est au juste l'intérêt de cette histoire si Marta est, comme elle le dit et redit, prête à mourir, du début à la fin du film, sans variation aucune ? N'y a t-il pas des moments de doute, des moments d'hésitation — de peur face à la grande faucheuse — à capturer, même si rien n'empêche d'y être résolu ?

Que dire du Airbnb dans lequel Marta choisit de passer ses derniers jours... c'est une belle demeure, mais les agents immobiliers se chargent déjà très bien d'inonder le web de films d'appartements à louer — certains font ça très bien, je vous assure.

Almodovar nous offre donc ce film comme le dessert du régal qu'est sa filmographie : mais loin d'en être la cerise sur le gâteau, c'est une série de tarte à la crème que devra avaler le spectateur au bord de la crise de foie. J'en cite une pour le plaisir : "Faire l'amour, c'est la meilleure protection face à la guerre"... Quelle profondeur... On relèvera pour finir la tirade écolo du personnage de Damian (personnage qui soit dit au passage ne sert strictement à rien à part appeler une avocate) dans laquelle il élève au rang de crime contre la planète et le vivant le fait d'avoir trois enfants. Cette tirade qui surgit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine nous fait nous demander si Almodovar tourne le personnage en dérision et se fiche comme d'une guigne du changement climatique ou s'il croit à ce qu'il raconte.

On retiendra l'image finale de Marta sur le transat, en costume jaune sur un fond rouge, dans un bouquet de couleurs qui crée, pour un court instant, une étincelle de beauté.

La Chambre d'à Coté est à Almodovar ce que Toujours debout est à Renaud : l'oeuvre en trop. Il en est des artistes comme des gangsters : au lieu de se ranger et de profiter sagement de leur magot, certains veulent faire le coup de trop. Les gangsters finissent en prison et n'importunent plus les honnêtes gens, mais on n'a pas encore trouvé le moyen d'empêcher les vieux artistes de nuir. Quelque chose me dit qu'Almodovar n'a pas dit son dernier mot, et la rumeur raconte même que Renaud va sortir un nouvel album... Tous aux abris !


PS : Le fait de devoir chercher quelque chose qu'on a mal rangé dans la vraie vie est déjà suffisamment pénible pour qu'on n'ait pas à nous montrer au cinéma des gens chercher des choses qu'ils ont mal rangées.


mattlepirate
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le 14 janv. 2025

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