Le Règne animal est comme les relations amoureuses : de belles promesses, suivies d'une sensation d'ennui et de gâchis.. La promesse, c'est celle d'un film fantastique aux notes luxuriantes et hallucinatoires, qui interroge le rapport de l'homme à la bête, voire de l'homme à lui-même. Il en ressort une impression plus que mitigée.
Le film s'ouvre par la découverte de l'existence d'espèces de chimères mi-hommes mi-bêtes, qui sont en fait le résultat d'une étrange maladie dont est atteint la mère du personnage principal. La scène dans laquelle elle apparaît joue très bien avec les codes du mystère et de l'angoisse, car on ne voit de cette mère que le regard. Au spectateur d'imaginer ce que peut être le reste de son corps... Le début fonctionne donc bien. Mais un accident de la route plus tard, une quarantaine de "bestioles", dont la mère, s'échappent d'un camion de transport les emmenant dans un hôpital sur mesure et se retrouvent largués en pleine forêt. C'est à ce moment que le récit peut se déployer, mais celui-ci ne se dépêtrera de tout le film de quelques ficelles et maladresses le rendant au fur et à mesure inepte à procurer au spectateur des émotions autres que l'ennui et l'indifférence.
Ficelles comme celle de la jolie fille flashant en classe sur le nouveau bizarre et ténébreux (le fils Émile). Alors que celui-ci devient vite de moins en moins net, elle le drague pendant tout le film, et surprise ! le dépucèle dans un champ de maïs. Cette scène de la belle et du tourmenté, vue cent fois au cinéma, ne s'est à ma connaissance encore jamais produite dans un lycée, où lécher le bras d'une fille sans prévenir et ne pas aligner trois mots équivaut dans 95 pourcents des cas à une mort sociale irrémédiable. Pareil des paysans qui font une battue pour chasser de la "bestiole" au milieu d'une fête du village. Pareil du côté Avatar, les militaires contre la nature, les hommes hostiles à toute vie qui ne leur ressemble pas, ça sent le réchauffé et ça ne fonctionne toujours pas... Que dire des flics qui croient à la morsure du chien pour justifier un trou dans l'épaule de 6 centimètres ? En parlant de policiers, on se demande ce que fait Adèle Exarchopoulos dans le film à part faire des blagues de caserne et flirter avec le père...
Tout n'est cependant pas à jeter, notamment la transformation de l'ado (bien joué par Paul Kircher) qui est assez glaçante. Si on voit bien comment la "maladie" le plombe moralement et physiquement, Cailley aurait pu aller plus loin sur ce point. La transformation prend ensuite un côté assumé qui fonctionne assez bien, et qui donne presque envie d'aller hurler à la lune dans la forêt. Les autres créatures sont aussi mystérieuses et fascinantes. On les sent pleines de secrets, de mélancolie et de poésie. En revanche, le seul qu'on approche vraiment, l'homme-oiseau qui devient l'ami d'Émile, n'est guère réussi. À mesure qu'on le découvre et qu'il perd sa poésie secrète, il ne devient pas plus attachant, et le spectateur, fatigué, doit se contenir pour réprimer un léger bâillement au moment de sa mort.
Romain Duris, qui joue très juste un rôle drôle et attachant, est le grand point fort du film. Cet espèce d'intellectuel qui cite du René Char et semble hors-sol agit en fait avec une présence d'esprit et un sens de l'humour très touchants. En incarnant un homme à la dérive dérive face à la disparition de sa femme et de son fils, mais qui choisit d'affronter le destin la tête haute, c'est lui qui sauve le film.
Enfin, une grande promesse non tenue : celle de la forêt. Si son caractère à la fois idyllique et menaçant transparait dans certaines scènes, elles ne vont pas assez loin dans l'hallucination et le bouleversement des sensations et des rapports au monde qui aurait pu être proposés, et qu'on aurait été en droit d'attendre au vu de l'affiche et de et la bande annonce... Non, faire un joli plan au drone pour montrer l'immensité de la forêt ne nous donne pas l'impression d'être perdu en terre hostile.
En bref pas mauvais, pas mal intentionné, mais pas bon. Le concept est intéressant, mais l'ensemble est approximatif, et ne nous propose pas grand chose de neuf. Montrer des rapports d'une si grande platitude entre l'homme et l'animal, c'est bête... De belles promesses, mais l'éléphant a accouché d'une souris.
Ps : mention spéciale au prof de sport, qu'on voit peu mais qui est un condensé chimiquement pur de tous les profs de sports de France.