Le Règne animal est une nouvelle production ambitieuse dans le paysage cinématographique français. Le cinéma de genre et les propositions originales semblent se faire plus fréquentes ces dernières années, pour le plus grand plaisir de tous. Il est agréable de voir des films avec un postulat aussi alléchant que celui-ci.
Thomas Cailley, que je découvre ici, pose son sujet d'entrée de jeu avec une première séquence exquise qui plonge le spectateur dans le vif. Pas d’introduction à rallonge ni de surexposition, le réalisateur a la bonne idée de rentrer dans le vif du sujet en montrant la vie des Hommes dans cet environnement changeant, devenant peu à peu inhospitaliers. Le sujet principal du film, cette mutation génétique, englobe au final une multitude de sous thèmes - certains diront trop ou survolés - qui nous sont familiers. Pourtant le tout est abordé avec subtilité et fluidité, si bien que tout paraît crédible et naturel.
La manière dont le réalisateur traite l'histoire est d'ailleurs un excellent parti pris. Plus qu'à la mutation elle-même, le réalisateur s'intéresse à ses effets sur les humains et leurs rapports aux autres. Pendant tout le film je me suis demandé "Et si ce film avait été réalisé par un américain ?"; autant dire que ça aurait été un film tout à fait différent.
Mais en plaçant ses personnages au premier rang, Le Règne animal donne l'opportunité au spectateur de s'investir pleinement, voire de prendre part au débat. Tout au long du film est en effet posé la question de ce qu'il doit advenir aux nouveaux être mi humain mi animal; que faire des bestioles ?
A travers le prisme d'un adolescent, Emile (interprété brillamment par Paul Kircher), Cailley dépeint cette rapide transformation de la société et cette cohabitation forcée et non désirée entre chasseurs et chassés. Sur fond de récit initiatique de l'adolescence, on sent le personnage tourmenté, non seulement par ce qui lui arrive mais également par tout ce qui l’entoure. Prenant dès le départ, grâce à une excellente exposition du monde et des personnages, le film ne s'essouffle jamais, pour finir sur un final rempli de lyrisme et de pureté. Entre comédie et émotion, le réalisateur maîtrise son œuvre de bout en bout et nous gratifie même de quelques séquences d'actions bien venue et intense.
Globalement c’est toute la galerie d’acteurs et de personnages qui est convaincante, Romain Duris en tête à travers ce portrait de père démuni et impuissant face à la situation. Adèle Exarchopoulos est malheureusement sous exploitée, son rôle n’a que peu d’intérêt. Les acteurs appuyant Kircher, Tom Mercie et Billie Blain, sont à mon sens les plus convaincants, leur alchimie fonctionnant très bien.
Le réalisateur est également habile dans sa mise en scène. Cailley parvient à faire de la nature un personnage à part entière, un personnage dont deux groupes semblent s'opposer pour son contrôle. Chaque plan est somptueux et réfléchi pour nous dire quelque chose. Cette nature est vraiment magnifiquement filmée, plusieurs séquences sont sublimées grâce à l’excellent travail de toute l’équipe.
La mise en scène des séquences d'actions précedemment évoqué est là encore forte et percutante, projetant le spectateur en plein coeur de l'épique. Tout cela est renforcé par une sublime bande son agrémentant le tout.
En définitive, Thomas Cailley parvient à créer un monde et surtout une histoire cohérente, riche, intelligente et touchante. Un conte, une fable, presque philosophique, sublimé par une mise en scène soignée et spectaculaire. Le Règne animal mérite d’être vu en salle, doit être vu en salle; pour le bien du cinéma français.