Des pleurs, des approximations et du sublime

Comme si c'était une tendance ces derniers mois, beaucoup de films nous donnent à voir un spectacle pluriel, où se confondent, s'affrontent même de nombreux thèmes structurant de notre société. Parfois dans un pêlemêle difficile à saisir. Et la capacité de ces films à faire émerger une réflexion chez le spectateur, une prise de conscience sur soi ou sur le monde qui nous entoure est peut être une des clefs qui permettraient d'affirmer si telle ou telle œuvre est réussie ou non. C'était déjà le cas pour Emilia Perez ou Anora avant La Chambre d'à côté d'Almodovar. Quand est il alors ici ? Si on distribue les bons points, autant commencer par une évidence : ce film est beau. Que ce soit au niveau des couleurs, des plans, des décors, tout est fait pour nous faire plonger dans une histoire relativement (malheureusement banale), tout en nous offrant une intensité progressive des émotions. Julianne Moore et Tilda Swinton nous livre un dialogue simple et puissant, une ode au courage, au respect et à l'acceptation. Car bienheureux celui qui peut affirmer connaître le thème de ce film : évidemment, c'est un film sur l'euthanasie et sur le rapport de notre société à la mort et à ces implications. Mais bien plus que ça, j'ai tendance à penser que ce film est d'abord et avant tout un film miroir, de ceux qui nous invitent à l'introspection en nous laissant plonger dans l'intimité et la profondeur des personnages et de leurs liens et nous obligent à nous questionner sur notre propre rapport aux choses. Car face aux dilemmes moraux qu'il soulève, La chambre d'à côté ne peut pas laisser indifférent, il oblige à prendre position. Un film engagé donc ou se mêlent réflexions sur la vie, sur la place du corps, l'âge, la religion, la guerre, l'écologie, les dangers de nos dérives politiques actuelles. Un film d'autant plus global qu'il est livré à travers les yeux de personnages friables, dans le doute, inachevés. Quoi de plus beau alors que la force de l'engagement ultime face à une vie inachevée, imparfaite, inaccomplie à bien des égards?

Puisqu'il faut cependant trouver des points faibles à ce film, citons en vrac que le rythme est un peu lent et dessert parfois l'intensité dramatique, que certaines scènes sont un petit peu attendues et que certaines réflexions sont très "américaines" ce qui a tendance à agacer légèrement le spectateur européens ; les scènes de flashback de Marta - si elles permettent d'enrichir la réflexion globale du film - ont tendance à se perdre entre le trop et le pas assez.

En définitive, c'est un film de très belle facture, complet, intense, brillamment exécuté et qui interroge profondément notre rapport au monde qu'Almodovar nous livre. Un exercice peut être plus sombre que d'habitude mais qu'il maîtrise tout aussi bien.