Quand on parle de la Première guerre mondiale, il est rarement évoqué le sort des gueules cassées, ces soldats revenus du champ de bataille avec de graves blessures sur le visage, voire celui-ci en partie arraché, couvert par d'imposants bandages. C'est ce qui va arriver à un jeune officier où très peu de temps après le début de la guerre, un obus va le défigurer à la suite d'un repérage.
Il va passer le reste du conflit au Val-de-Grâce en compagnie d'autres victimes, en ayant perdu une partie de sa voix, le visage abimé, et il va devoir réapprendre à vivre.
La surprise est d'autant plus forte que je ne connaissais pas ce film, ni le réalisateur, et La chambre des officiers réussit tout de même un tour de force, à savoir parler de la guerre sans qu'on ne la voit. En fait, ce sont les conséquences physiques et morales qui vont être montrées, affronter le regard des autres, subir entre guillemets la compassion des infirmières, recevoir des visites de leurs supérieurs, et se dire qu'ils ont survécus en âmes brisées. D'ailleurs, et c'est là que le sujet a été étudié sérieusement, il n'y a aucun miroir dans cet hôpital, le seul moyen pour se voir est le regard des autres, où certains ne supporteront pas d'ailleurs.
Malgré l'austérité du film, le sujet reste suffisamment fort pour captiver l'attention, et on se prend d'affection pour cet officier joué par Eric Caravaca, qui ne pourra pas parler au départ, mais peut communiquer avec un petit tableau et une craie. Malgré l'horreur de la situation, il se dégage une grande douceur, particulièrement grâce au rôle des femmes, dont Sabine Azéma en infirmière, et une visite dans un bordel assez émouvante pour le coup.
Outre l'histoire, la particularité du film se situe dans la photographie, signée Tetsuo Nagata, et qui assez spéciale, car l'image est constamment dans des filtres jaune/or ; je ne m'explique pas vraiment ce choix, mais il y a un côté artificiel qui s'en dégage parfois, emmenant une distanciation dans l'émotion. D'ailleurs, Nagata travaillera plus tard sur Blueberry et Micmacs à tire-larigot, deux films dont l'image tire aussi beaucoup vers le jaune.
Mais il résulte du film une belle réussite, assez pudique malgré le sujet, au fond peu abordé dans le cinéma à cause du travail de maquillage que ça peut donner, mais qui permet de donner un nom sur ces gueules cassées. A ce titre, les dernières scènes sonnent comme un espoir pour cet homme qui commence à ne plus être vu, comme il le dit, comme un monstre.