Ce drame polonais réalisé par Jan Komasa met en scène un jeune homme mal dans sa peau et borderline, Dominik, qui perd petit à petit le goût des choses. Issu d'une famille aisée, il a tout ce qu'il veut quand il veut mais ne semble pas épanoui. Entre son homosexualité présumée, les railleries et une différence de personnalité qui l'écarte du reste de la masse, son existence prend un tournant décisif lorsqu'il fait la rencontre de Sylvia, une jeune femme aux cheveux roses qui l’entraîne dans un monde virtuel : la Suicide Room. Une sorte de chat nouvelle génération, Second Life mélancolique et fantastique, où se retrouvent des gens de tous les bords pour mettre un terme à leurs souffrances.
Si La Chambre des Suicidés comporte de nombreuses maladresses et de nombreux défauts, le film permet tout de même d'avoir une lecture plus ou moins différente selon le spectateur alors que, selon toute vraisemblance, ce n'était pas voulu de la part du réalisateur. J'ai trouvé cette fable mortuaire très poétique dans sa façon d'annoncer la mort et de la mettre en scène. La Chambre des Suicidés mérite que l'on passe au-dessus de son message simpliste sur la violence d'internet et des réseaux sociaux plus précisément, occupant une partie du film et pour moi totalement hors propos. En regardant cet adolescent mal dans sa peau et passablement irritable, j'ai pris ce monde virtuel comme une ouverture sur l'acheminement de ses pensées, une sorte de petite trappe où l'on accède à la partie non-visible de l'iceberg, celle de son inconscience.
C'est vous la Suicide Room.
Si on dépasse le cadre du simple jeu vidéo qui monopolise l'attention du jeune homme jusqu'à le rendre asocial, on observe une justesse étonnante dans cet autre univers qui jaillit partout en lui comme le sang dans les veines. Cette deuxième maison se transforme en seconde entité dont il se retrouve prisonnier, c'est sa lente agonie vers une fin tragique qu'il maîtrisera de moins en moins. Le jeu vidéo "Suicide room" est l'engrenage parfait et profondément pessimiste de sa descente aux oubliettes. Tous les participants ont un handicap physique ou moral, tous sont engoncés dans une léthargie meurtrière et/ou paralysante, ce monde reflète leur incapacité de se mouvoir en société. Si ce n'est à la fin, à aucun moment les pixels ne traduisent de manière réaliste un simple jeu vidéo, la caméra tourne comme dans un film, effectue des travellings, des zooms, bascule d'un personnage à l'autre. Il ne s'agit plus seulement que de virtuel, mais de la seconde peau de Dominik. Le film s'engouffre dans un onirisme spectaculaire.
Pour saisir toute l'étendue de ce film et de la détresse quasi-pathologique de son héros, il faut faire fi du caractère redondant et hors-sujet de la course au buzz, à la performance, à l'humiliation. Cette lourdeur dans le propos ne fait que rappeler à chaque fois qu'il y a une âme à mille facettes qui se cache derrière chacune de nos étiquettes, de nos images que l'on donne ou que les gens perçoivent au quotidien. La Chambre des Suicidés, c'est eux dit-elle, tous ceux qui survivent pour quel résultat ? Aller dîner, boire, baiser, faire des enfants. Il n'y aurait rien de plus vivant que la mort, finalement, car dernier rempart face à une éternelle liberté ?
C'est ici que La Chambre des Suicidés se rétame d'ailleurs en beauté, car les scènes qui ne parlent ni du héros, ni de la réalité virtuelle sont soient totalement éculées, soient très mal écrites et sans aucune profondeur. Les acteurs, notamment le père et la mère, à défaut d'être convaincants et convaincus parce ce qu'ils livrent, passent par différents stades mais sans aucune surprise, sans aucune empathie ou quelconque intérêt pour le spectateur. Faire de ces parents un contraste néanmoins similaire avec leur fils, pour marquer leur propre refus de la société, des jugements et des limites qu'on voudrait leur fixer est une idée très pertinente mais l'absence de partis pris de mise en scène et le manque d'adresse dans les dialogues rend une bouillie quelconque et indolore. Il ne se passe pas grand chose et le film perd en substance.
Une découverte agréable et particulière qui prend le contre-pied des films de genre tels que 2h37 en saupoudrant les mêmes manoeuvres d'un lyrisme hors du commun et tout à fait moderne. Malgré la balourdise de certains aspects de l'histoire et de sa réalisation, c'est à voir.