Un héros épique médiéval va croiser Siegfried, Rambo et Rocky et en plus ça tiendra la route !
Voici une œuvre difficile. Elle pourrait être perçue par une classe d’élève comme un instant de punition infligée après avoir trop cassé les pieds de leur prof de français ou d’HG, voir des deux. On pourrait aussi le prendre non pas comme un film mais comme un essai sur le cinéma, un questionnement sur ce qu’est le rythme, enfin plutôt ici le non rythme, la lenteur. C’est aussi un film parfait pour une soirée vintage dont le thème serait « Folie et génie d’un immense acteur Vintage, Klaus Kinski ».
Le scénario n’est pas banal : au XIIè siècle, une troupe de troubadours sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, narre les exploits de Roland. Il faut savoir pour commencer que la Chanson de Roland a été écrite bien après les faits évoqués, au XIè (Charlemagne on est entre la fin du VIIè et le début du IXè) dans un contexte de guerre sainte : Jérusalem est tombée aux mains des Turcs, on a donc un nouvel adversaire pour occuper les occidentaux et éviter qu’ils ne s’entretuent, se dit Urbain II, le Pape de l’époque. Cette œuvre littéraire majeure de l’Occident chrétien est donc aussi une œuvre de propagande, en quelque sorte un petit condensé de Rocky 4 et Rambo 2 et 3 (avouez que placer ces œuvre de Stallone à côté de Kinski, c’est la classe, non ?).
Le film en lui-même marche donc en deux temps qui alternent, le voyage de cette improbable bande d’artiste avec le récit des exploits de Roland. La musique est lente, emprunte parfois. Les dialogues s’enchaînent telle une litanie, parfois à la limite de l’ennui. Le rythme est donc parfait pour évoquer cette période. Point de fracas démentiels alors que le texte en regorge (Roland ouvrant une montage en deux, Roland fendant un musulman et son cheval en deux d'un seul coup de sa chère Durandal), point de dragons, de charges héroïques délirantes. On est plus proche du Nom de la Rose que d’une charge de Rohirims. Les exploits de Roland sont filmés telle une tragédie terrible, avec de longs monologues où Kinski fait éclater son talent, tout comme Pierre Clementi et l'envoûtante Anne (Dominique Sanda). Alors évidement, si vous cherchez un duel épique façon Siegfried enchaine les 5 Bronzes de Kuru en se demandant comment de tels nazes ont pu arriver là, aux pieds de la statue d’Odin, passez votre chemin.
La première approche, didactique, en un mot chiante, doit cependant être dépassée. Cette œuvre est intéressante pour évoquer ce monde des troubadours. Surtout, il s’agit d’une des rares œuvres cinématographique sur ce héros, Roland, épique au possible dans notre culture occidentale. Un film émouvant, riche, abrupt, qui mérite d’être vu à défaut d’être aussi génialement barré que le cinoche d’Herzog et, par exemple, son Aguirre, la colère de Dieu.