Le révisionnisme heureux
Si vous voulez apprendre ou retenir quoi que ce soit de la vie du général Custer, oubliez ce film. A part peut-être la mort du type à Little Big Horn en 1876, tout le reste oscille entre "ça prête à discussion" et "c’est du grand n’importe quoi". En effet, faire du héros belliqueux, un des vainqueurs de Gettysburg, un défenseur de la cause indienne à la suite d‘une parole donnée, prêterait même à faire sourire un jeune gandin en train de faire la queue pour s’inscrire en première année d’histoire.
Mais parce que cela ne concerne qu’un seul homme (et non un pan entier de l’histoire) et parce que ça couvre ce parti prix initial d’une telle couche de bonne humeur, d’allant et de bonne conscience (les indiens trahis par la libéralisme débridé), ça passe comme un convoi militaire dirigée par Errol Flynn dans une contrée hostile: sans problème.
Customiser Custer
Car il en fallait, du talent, pour tordre le cou à mes réticences. Une jaquette de DVD urticante (mon dieu quelle laideur !), un titre foireux (en VF c’est la routine, en VO c’est plus rare) un sujet portant au chafoinnage (on l’a vu) et des costumes fleurant bon l’âge d’or des films guindés et poussiéreux: à part les très bonnes notes de mes éclaireurs, je n’avais que des facteurs d’inquiétude. Mais c’est tourné par le merveilleux Raoul Walch (que l'auteur Bob Thomas, définit parfaitement en prononçant cette délicieuse formule: "Walsh, sans doute le personnage le plus haut en couleur d’Hollywood… qui comptait énormément de personnages hauts en couleurs") et du coup, c’est irrésistible.
La première partie du film est une véritable comédie, mettant en scène avec bonheur les différentes étapes de l’accession au grade de général (puis colonel) ce qui ne fut au départ qu’un jeune cadet impétueux et mauvais élève, ne s’élevant qu’à coup d’audace et de chance. Un délice.
Un héros plein de fougue, as aux pruneaux
Et puis le film devient plus sombre, se muant en drame, avant de se montrer même poignant sur la fin. Le virevoltant Flynn a alors l’occasion de montrer une profondeur de jeu qui ne pourrait surprendre que ceux qui connaissent l’acteur d’une manière superficielle, le jeune homme se montrant capable de passer du jeune chien fou persuasif au chef de guerre pénétré du poids de sa fonction, en passant par le mari attentionné et bientôt déchirant, tout en retenue dans une scène finale sublime qui donnerait même un peu de charme à cette pauvre Olivia de Havilland.
Scène d’autant plus poignante qu’il s’agit, et les deux talentueux duettistes s’en doutent alors, de la toute dernière fois qu’Errol et Olivia, si souvent associés dans tant de moments forts de l’histoire du cinéma, vont apparaitre ensemble à l’écran.
En fait, c’est encore à Bob Thomas que l’on doit la meilleure conclusion possible sur ce film pétaradant et total (sorte d’anti"little big man" tout en étant aussi réjouissant), accompagnant sa phrase d’une grand soupire résigné: "C’en est presque dommage: même Errol Flynn ne pouvait pas gagner la bataille de Little Big Horn…"