Sans doute faut-il être un inconditionnel du western ou de John Ford et avoir ses petites habitudes et ses acteurs fétiches pour s'extasier devant La Charge héroïque. Un film pourtant considéré comme une référence à tout point de vue. Alors, est-ce moi qui suis passé à côté de ce film ou beaucoup de cinéphiles sont-ils des sortes de fanboys qui s'extasient dès qu'on leur réunit les codes du genre (le bon réalisateur, les bons acteurs, les seconds rôles qu'il connaissent, les trompettes, les chevaux et les beaux points de vue) ?
Car franchement, lorsque l'on aborde ce film avec un regard neutre et sans a priori, quel ennui ! Quelle niaiserie ! Ici, pas de minimum de réalisme : les chevaux galopent en accéléré et il suffit de se cacher derrière une butte pour regarder des indiens. Et même quand ceux-ci sont à portée de jumelles, on peut sonner le clairon à plein poumon sans s'inquiéter de se faire repérer. Bon ok, un minimum de réalisme n'est pas une obligation en soi, sacrifions la plausibilité. Mais par contre il y a de l'humour (grotesque) : vous aimez Jar Jar Binks ? Croisez-le avec Bud Spencer et vous avez le personnage incarné par Victor McLaglen : un gros bourru castagneur et bêta, comique de service (« Whose dog is this?! Nice dog! »). Avec en apothéose une scène mémorable de baston au bar (in)digne d'un film burlesque des années 10. Autant de scènes malaisantes à même de jeter le discrédit sur le vieux cinéma (compte tenu de l'aura de ce film).
Même la dite « charge héroïque » (un titre français mauvais et racoleur, le vrai titre du film étant She Wore a Yellow Ribbon) est consternante :
La cavalerie charge le camp d'indiens en souhaitant s'emparer de leurs chevaux et les terrifier en tirant en l'air sans faire de morts. Pourquoi pas : sur le principe, ça fonctionne. Les indiens, eux par contre, ne se laissent pas faire et ripostent : quasi tous armés de fusils, ils visent et tirent sans arriver à toucher un seul soldat ! PAS UN SEUL ! Pire : ils ne savent même pas tirer à l'arc ! Qu'est-ce que John Ford a bien voulu chercher ici ? Encore un effet comique ? Plan rapproché sur un indien, donc. Celui-ci, qui a l'air de tenir un arc pour la première fois de sa vie, bande (très mal) son arc, la flèche ne part pas et lui retombe dans les mains. Oups ! Allez hop, il la reprend, recommence et tire visiblement n'importe où n'importe comment. Ahahah, merci c'était très drôle.
Pour finir - mais ça vient peut-être de moi qui n'ai pas été assez attentif tellement j'ai eu du mal à rentrer dedans - je n'ai rien compris à tous ces allers et retours entre les différentes positions des troupes ou des cavaliers. On a l'impression de les voir partir pour des jours et pof les revoilà à leur point de départ. Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
Alors il reste quand même des qualités à ce film : John Wayne est égal à lui-même, charismatique et rayonnant (sauf dans une scène censée être émouvante où il renifle trois ou quatre fois pour essayer de figurer son émotion). Les plans sont beaux et bien cadrés (c'est en technicolor). Il y a des chevaux qui remuent dans tous les sens (ils ont l'air d'ailleurs artificiellement assez énervés). La petite idylle au centre de l'histoire est bien menée, touchante et amusante. L'esprit militaire, les musiques au clairon sont à découvrir (il y en a tout un tas pour figurer des ordres). Mais c'est du cinéma naïf, calibré tout public.