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J’essaye toujours de rattacher les films d’un certain âge à leur époque lorsque je les découvre, de manière à ce que le prisme moderne ne vienne pas déformer le propos par des jugements portant sur les errements d’une époque. Je ne devrais donc pas m’attarder sur tout ce qui nous est présenté comme une normalité dans l’arrière plan, que ce soit le rôle de la femme, tout juste bonne à rendre son mari heureux et à enfanter, le cadre d’une plantation du sud qui arbore côte à côte drapeaux confédérés et serviteurs noirs bien dociles, ou la présentation de Brick (Paul Newman impeccable malgré tout) comme un personnage raisonné avec qui on doit être en empathie alors même qu’il montre des élans de violence conjugale et de misogynie. Mais le fait est que, en 1958, Billy Wilder, John Ford et autres Elia Kazan avaient déjà mis à mal et questionné cette supériorité tacite de l’homme blanc sur le reste de ses congénères.
J’ai donc bien eu du mal à m'apitoyer sur le sort de Brick et de sa famille, à m’émouvoir de cette relation père-fils qui ne laisse pas de place à l’amour, et aux aboiements de Maggie (Elizabeth Taylor) qui cherche volontairement à rentrer dans sa la niche qu’on lui a confectionné. Ces histoires d’héritage me laissent de marbre, tandis que toute la thématique sur la nécessité de laisser s’exprimer l’âme plutôt que le matériel, via la vérité, l’amour et la créations de réelles relations, peine à dépasser le stade du convenu. Tout juste bon pour un vaudeville, et illustrant à la perfection le péril de l’adaptation d’une pièce de théâtre, la mise en scène ne justifiant jamais une telle entreprise, si ce n’est par de rares fulgurances placées là tels des oreillers sur un lit froid qui ne demande qu’à être réchauffé.
Une œuvre aux personnages antipathiques, au récit plan-plan (quand il n’est pas grossier dans la caricature des arrivistes de la famille), et au formalisme inexistant donc. Et quand en plus on nous rajoute un premier acte criard, pollué par l’intervention trop fréquentes des marmots tête à claques et les miaulements de Liz, j’ai bien du mal à m’immerger. Tant et si bien que mentalement je pinaille, ce que je ne fais que rarement. Là je m’étonne de voir la belle-sœur porter un énorme gâteau à bout de bras des minutes durant sans que cela ne semble l'encombrer plus que l’accessoire factice et léger employé. Ici je me demande comment on peut descendre une bouteille et demi de whisky dans la soirée et garder une élocution et un raisonnement irréprochables. Bref, je meuble mon attention à défaut de pouvoir la donner au récit présenté.
La pièce de Tennessee Williams est, paraît-il, plus axée sur la relation homosexuelle entre Brick et feu Skip. Si cela avait transparu dans le film, ça aurait complètement changé la donne dans le traitement sociétal de l'œuvre, nuançant tous les déboires suscités par une incapacité de s’exprimer dans ce cadre étouffant, apportant de la substance à des personnages autrement vains. Mais non, cette adaptation de Richard Brooks aligne les tares et souligne sa propre inutilité, puisque incapable de se déployer sous la censure du Code Hays. Heureusement que le trio de tête est bon et que ça se pose à partir du deuxième acte.