White House Down - Europe is Lost - Bien Baisée la Russie - L’en pire du Milieu - Modi Operandi...

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Inspiration évidente du Gladiator de Ridley Scott qui semble être un remake inavoué de l’oeuvre d’Anthony Mann, The Fall of the Roman Empire se révèle être bien plus intéressant que le projet qu’il était initialement, un concurrent à Ben-Hur au sommet d’un genre en bout de course. Comme beaucoup d'œuvres portées par des auteurs, il est avant tout un reflet d’une partie réfléchie de la mentalité de son époque qui trouve bien des échos dans l’actualité contemporaine.


Le film est de prime abord une grande tragédie antique, jouée par des acteurs shakespeariens sur un fond de fresque historique. De quoi aligner décors faramineux, costumes somptueux, musique grandiloquente et figurants à perte de vue. Tous les apparats de la grande époque des péplums, genre de la démesure et des superlatifs qui touche ici à sa fin, comme annoncé par le titre. Trois heures pour développer le début de la fin pour un empire millénaire, de la fin de vie du pacificateur Marc-Aurèle aux irréversibles dégâts causés par son successeur illégitime Commode.


Trois heures pour dérouler des scènes grandioses telles que le monologue de Marc-Aurèle qui semble tant se parler seul qu’avec les dieux et la mort. Telles que son enterrement entre les frimas neigeux et la chaleur funeste des flambeaux qui annonce la transition de la sagesse à la démesure, le passage des frontières nord de l’empire au faste artificiel de Rome. Telles que le plaidoyer du philosophe Timonides devant le sénat, cœur rhétorique du récit aux accents d’oracles. Telles qu’un ultime duel dans une arène emmurée par les emblématiques scuta romains, cloison imperméable de traditions séculières à un changement nécessaire qui pourrait assurer la pérennité de cette civilisation.


Alors que Marc-Aurèle rejoint ses aïeux, lui qui souhaitait changer la doxa en faveur d’une assimilation pacifique des peuples, la question de sa succession se pose. Son fidèle Livius choisira l’honneur et la pax romana en cédant le pouvoir à son frère d’arme et rival au pouvoir Commode. Il ne veut pas de ce pouvoir, et certainement pas au prix d’une guerre civile. Une figuration littérale de l’idée que ceux qui désirent le pouvoir ne devraient pas l’avoir, tandis que ceux qui le fuient sont les plus à même d’en faire bon usage. Mais Livius réalise son erreur lorsqu’il voit Commode trahir les préceptes de son père. Alors il s’indigne et lutte, espérant que le bon sens de ses concitoyens l’emporte sur la poudre qu’on leur jette aux yeux.


Arrive l’éloquent épisode du sénat qui porte un discours éclairé sur l’importance de l’assimilation, du règne par la fraternité plutôt que par la terreur, renvoyant à Gandhi : “Le pouvoir fondé sur l’amour est mille fois plus efficace et plus durable que celui qui émane de la peur du châtiment.”. C’est ici de l’Empire américain que parle Anthony Mann, positionné dans la mouvance lancée par l’élan progressiste de Kennedy, encore en vie lors l’écriture, et la déstalinisation qui suit son cours en URSS. L’heure était à l’espoir de voir changer les paradigmes d’un monde qui risquait de s’effondrer à tout moment sous la poussée de quelques fous. Mais à l’instar de Marc-Aurèle, JFK fut réduit au silence, comme Gandhi.


Gold ! Gold ! Gold !”. Tout s’achète, et les vertus professées devant les dieux ne tiennent pas longtemps face à la cupidité. Le bon sens et la sagesse ne peuvent malheureusement pas l’emporter devant la folie des hommes. La haine et l’avidité sont plus simples, mieux maîtrisées, et suffisent ainsi à mettre à bas un empire millénaire. Comme si de nos jours, nous étions encore à manger dans la main de quelques milliardaires déconnectés de toute réalité, contre tout bon sens, toute fierté, toute morale, dans le simple espoir de grappiller des miettes de ces réels parasites. Et qu’importe qu’ils soient la cause de la majorité de nos maux, tant que ceux-ci savent pointer du doigts ceux qui doivent subir notre ire. Et contrairement à la couronne de lauriers dorée de Commode, qui grossit de scène en scène, démontrant à la fois la vénale folie qui grandit et le poids croissant de la culpabilité d’une destinée volée, d’un pouvoir usurpé devant Rome et les dieux, nos Césars modernes n’affichent pas d’états de conscience et ne mettront jamais les pieds dans l’arène pour mettre un terme la mascarade.


Alors malgré quelques longueurs, un Stephen Boyd malencontreux dans un rôle trop large pour ses épaules pourtant épaisses, une romance qui peine à intéresser, et un final qui refuse d’assumer pleinement le tragique, Mann signifie la chute divinatoire à chaque instant par la verticalité. Que ce soit la décimation qui fait littéralement choir les hommes d’un viaduc, les rangées de colonnes qui peuplent les décors, les travellings verticaux et les contre-plongées dans des jeux d’échelles écrasants ou libérateurs, le cinéaste se fait toujours l’augure de son message par l’image.

Et si ce message, il y a soixante ans, ne portait son optimisme que par la potentialité d’un changement profond, il en est aujourd’hui dénué tant l’étau des scuta s’est resserré, étouffant toute lumière.

Frakkazak

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