La Classe américaine, le grand détournement
La Classe américaine, parfois sous-titré Le Grand Détournement, est un (télé)film français réalisé par Michel Hazanavicius (auteur de The Artist et des deux OSS 117) et Dominique Mézerette. Jamais officiellement commercialisé, à l'époque échangé sous le manteau, ce film expérimental ne fut diffusé que deux fois en 25 ans (sur Canal+ en 1993 et sur Festival en 2004). Il s'agit d'un long-métrage réalisé sur le principe du détournement : composé d'extraits de plus de 80 films anglophones édités par Warner Bros entre les années 1950 et 1980, montés astucieusement et doublés en français afin de faire émerger un « flim » à l'intrigue totalement inédite. Le tour de force des auteurs fut de réussir à réaliser un long-métrage complet, à la limite de la légalité, en s'adjoignant les services des doubleurs authentiques des personnages détournés de l'époque, comme Raymond Loyer (John Wayne, Charlton Heston, Robert Mitchum, Henry Fonda, Burt Lancaster) ou Roger Rudel (Kirk Douglas).
Selon Michel Hazanavicius, tout est parti d'une délire assez potache : « On a fait ce petit programme de 15 minutes où on a pris des héros de séries télé comme Maigret, et on les a fait péter et dire des conneries », en évoquant la réalisation du premier projet Derrick contre Superman. Un court-métrage plus tard (Ça détourne), Canal+ obtient l'autorisation par la Warner d'utiliser les extraits de son catalogue, contenant plus de 3 000 titres, afin de réaliser un film promotionnel (1). Quelques recommandations furent cependant formulées : ne toucher ni à Clint Eastwood ni à Stanley Kubrick, entre autres...
Ainsi naquit La Classe américaine, avec un casting interminable comprenant les plus grands acteurs du cinéma américain, parmi lesquels on peut citer John Wayne, Dustin Hoffman, Robert Redford, Paul Newman, Henry Fonda, Clark Gable, Orson Welles, Charles Bronson, etc. (2)
Les deux réalisateurs garderont la recette qui a fait le succès des deux premiers détournements : faire dire des âneries et des blagues pipi-caca à des légendes du cinéma. Pendant 4 mois, ils visionnent à longueur de journée les classiques Warner, sans le son, et conservent les passages en fonction de ce qu'ils lisent sur les lèvres des personnages. Au final, le film se regarde comme une parodie potache du Citizen Kane d'Orson Welles (3) dans laquelle deux journalistes enquêtent sur la mort d'un certain Georges Abitbol (joué par un John Wayne malgré lui), « l'homme le plus classe du monde » dont les dernières paroles avant de mourir furent « monde de merde ! ». Les deux enquêteurs ne sont autres que le duo Dustin Hoffman / Robert Redford du film Les Hommes du président (All the President's Men en V.O.), qui retraçait l'histoire du scandale du Watergate.
Le résultat est à mourir de rire, que l'on soit un intégriste de la V.O. ou un fanatique de la V.F. Le travail de montage derrière ces 70 minutes de pot-pourri cinématographique semble colossal — impression confirmée par un ami adepte du montage amateur — et a vraisemblablement inspiré de nombreuses personnes, à l'image du désormais célèbre Mozinor (www.mozinor.com). Hommage de cinéphiles ou parodie de sagouins, quoi qu'il en soit et quoi qu'on en pense, on serait bien tenté de conclure que le piratage ne tue pas forcément la création...
La suite ici : http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Classe-Americaine-de-Michel-Hazanavicius-et-Dominique-Mezerette-1993
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(1) Petite précision (cf. moteurcatourne.blogspot.fr, à lire pour plus de détails) :
Comment sont-ils passés entre les dents des requins défendant l'un des plus grands studios américains ? Par un heureux concours de circonstances. Michel Hazanavicius se souvient : « Le patron de Warner monde nous avait autorisé à utiliser le catalogue de son studio pour faire un pseudo hommage au cinéma. Quand les dirigeants ont vu notre truc, qui n'était pas du tout un hommage au cinéma, mais un truc de sagouin, ils se sont dits: "on s'est engagé, c'est bien, on l'a fait. Maintenant, on le diffuse une fois, et après on met les bandes sous clé." » Robert Nador avait promis au duo que ce détournement serait diffusé au cinéma pour les convaincre de s'engager dans cette longue aventure. Raté. Le film n'aurait le droit qu'à une unique diffusion. « Sauf qu'on a chopé un exemplaire, que des mecs de Canal aussi et que des téléspectateurs l'avaient enregistré. Le film s'est alors échangé sous le manteau », explique Michel Hazanavicius.
(2) L'ensemble des acteurs et des films détournés est disponible ici : http://i2307.in/tags/megaupload+gorge+profonde.
(3) Rappelons que dans le film Citizen Kane, le personnage Charles Foster Kane meurt en prononçant dans un dernier souffle « Rosebud », mot dont la recherche de la signification constitue l'intrigue de l'œuvre. Le film d'Orson Welles fonctionne aussi par flashbacks.