Longtemps, mettre 10 à La Classe Américaine et l'inclure dans mon top 10 était une sorte de signe de ralliement. Un hommage à un flim devenu culte et visionné une vingtaine de fois, à une bonne dose de rire, à des dizaines de citations apprises par cœur et répétées à l'envi. Une blague finale censée compléter ce monument de la comédie à la française.
Mais à y regarder de plus près, La Classe américaine est bien plus que tout ça - et c'est probablement ce qui fait de ce flim un véritable chef d'œuvre. C'est une ode au cinéma, un jeu autour de la culture et de la technique du cinéma. Au cinéma américain en premier lieu, avec une célébration des plus grands acteurs américains de l'âge d'or d'Hollywood. On peut regretter l'absence de nombreuses actrices majeures, mais ce n'est finalement que le reflet d'une certaine époque du cinéma. Alors le flim devient même mélancolique : tous ces films légendaires ne suffisaient plus, il a fallu en recréer un, avec les mêmes acteurs et les mêmes doubleurs, pour les voir et les entendre encore une fois sur nos écrans, les mêmes mais différents. Le flim s'achève d'ailleurs sur la mort de deux personnages principaux, comme pour refermer, cette fois-ci définitivement, la porte de cette ère sacrée. Acteurs adorés, mais acteurs parodiés : quel délice de faire passer John Wayne, conservateur aguerri, pour un marxiste-léniniste, ou de tourner en ridicule l'amitié dans la vraie vie entre Dean Martin et Franck Sinatra.
Puis il y a tout le jeu autour du temps et de l'espace au cinéma. Flash-backs (et même une fois, avec le putain d'énergumène, flash back dans le flash back dans le flash back, Inception avant l'heure), mêmes scènes qui tournent en boucle, images qui avancent et qui reculent, effets spéciaux (de la sonnette), cohérence des scènes composées de films différents, doublage parfait pour certaines phrases. L'intrigue n'est certes pas limpide lors du premier visionnage, et il est facile de se perdre dans le foisonnement des acteurs, qui n'ont pas toujours le même âge étant donné l'amplitude temporelle des films qui composent ce flim. Pourtant, malgré cette diversité de personnages, de films, de scènes et de dialogues, la cohérence du scénario est respectée. Le flim, loin d'être seulement une blague ayant pour matériaux des films légendaires, est fondé sur une construction narrative folle.
Et enfin, et surtout, il y a l'humour. Si tout y passe, de l'humour grivois au comique de répétition, l'accent est mis sur l'humour absurde. Il y a des scènes succulentes de non-sens dont il faut simplement profiter. Il n'y a aucun temps mort dans le flim - l'une des raisons pour lesquelles il est difficile à suivre aux premiers visionnages. Tout est prétexte à un sketch, et le flim se renouvelle de scène en scène sans jamais perdre de vue l'intrigue. Aucun temps mort, et rempli d'Easter eggs, de petites blagues qui passent inaperçues et qu'on ne décèle qu'au bout de plusieurs visionnages, telles les travers de porc sel poivre. Cette comédie, qui doit beaucoup aux premiers détournements comme Lily la tigresse, porte cet art à un autre niveau, en le perfectionnant et en créant un excellent film à part entière.
Alors oui, La Classe américaine est bel et bien un monument du cinéma, qui mérite amplement sa réputation et son rang. Leçon technique, leçon narrative, leçon comique et bien plus encore, c'est un flim sur le cinéma lui-même, par et pour des cinéphiles. Flim clivant, il a marqué des générations entières et continuera d'être une porte d'entrée pour tout ce qu'il y a de sublime dans le septième art.