La classe ouvrière va au paradis est un grand film politique. C'est à ce caractère politique que je réduis ma critique. Dans ce long-métrage, on ne parle pas de l'Usine, on la montre. On ne parle pas de l'aliénation, on la montre. On ne parle pas des rapports de classe, on les montre.
Les jeux et logiques du pouvoir ouvrier y sont mis en relief avec rigueur et sans tendresse. D'un côté se tient un syndicalisme d'usine, institutionnalisé, dont les prises de positions faites de compromis sont parfois victorieuses et souvent futiles. De l'autre l'on retrouve les autonomes, fils de l'insurrection 68arde italienne porteurs d'un discours matérialiste et violent. Ces "étudiants" révolutionnaires et visiblement empreints de maoïsme ne voient pas l'ouvrier à travers son humanité mais à travers son rôle historique.
La structure soutenant ce conflit entre syndicat et étudiant est bien sûr le pouvoir capitaliste résidant dans le patronat et ses alliés. Un pouvoir qui commence à imposer un nouveau modèle : celui de la compétition entre chaque ouvrier (via le salaire à la pièce et l'autonomisation). Un pouvoir qui commence donc à organiser le travail afin que le dépassement personnel soit valorisé plutôt que la solidarité.
On lira (ou relira) le Capital écrit 120 ans avant, Retour sur la Condition ouvrière 20 ans plus tard et A nos amis 44 ans après et on y retrouvera l'intuition du film objectivée. Ces textes expliquent ce que nous ressentons au jour le jour, ce que ce film transpire. Dans ce dernier, le message délivré y est donc plus franc et incisif mais moins explicable. C'est à travers un homme que l'on dévoile les structures. Ce n'est pas à travers les structures que l'on dévoile l'homme.
La classe ouvrière va au paradis n'est pas qu'une œuvre artistique. C'est également une œuvre politique participant à sa manière à la conscientisation du prolétariat. Ce film est sombre mais il travaille à l'avènement de jours plus lumineux.