S’il fallait isoler une séquence de la classe ouvrière va au paradis pour le résumer, ce serait probablement cette partie de jambes en l’air très romantique entre un ouvrier blasé et la muse qui lui permet d’augmenter sa cadence de production, jeune cariste qui connaît là sa première fois, guidée par un égoïste macho convaincu d’être une bête parmi les bêtes, entre le frein à main et le levier de vitesse d’un pot de yaourt motorisé.


Une scène touchante par son réalisme, mais aussi gênante dans son déroulement : désenchantée, maussade et désespérante. L’homme se détourne de celle qui a nourri ses fantasmes en un claquement de doigt, tandis que la demoiselle jure qu’on ne l’y reprendra plus. Comme si la gangrène causée par la société industrielle qu’Elio Petri critique vivement avait tout dévoré, que la passion ne pouvait plus se faire sa place. Brûlot politique parfois un peu trop unidimensionnel, La classe ouvrière va au paradis ne manque ni de verve ni d’implication. Petri y couche le mépris qu’il nourrit pour les riches industriels ne jurant que par leur force de production, oubliant que derrière les chiffres se trouvent des hommes, volontaires certes, mais friables et vivants.


A travers le destin du génial Gian Maria Volonté, homme prêt à courber l’échine pour quelques dollars supplémentaires, qui finit tardivement par prendre le chemin de la révolte lorsque son intégrité physique, mais aussi mentale, est mise en danger, ce sont l’Italie industrielle et politique des années 70, et plus globalement l’exploitation à outrance sous couvert d’un travail rémunéré, qui sont pointées du doigt par un cinéaste bien décidé à montrer les crocs. Certains diront que c’en est même trop, que le portrait est facilement rageur, je préfère le percevoir comme l’expression sincère d’un homme concerné par cette bien nommée aliénation par le travail, qui, à la fin des années 70, s’exprimait à plein tube, pour le bonheur des costards propriétaires des chaînes de production.


Même s’il est évident que son film manque un peu de tenue par moment, la faute incombant à un rythme quelque peu oscillant et un personnage, interprété certes avec fougue par Gian Maria « la classe » Volonté, trop caractérisé par son tempérament binaire, j’ai fini la séance avec le sourire ainsi qu’un respect renouvelé pour Elio Petri, celui que ce dernier avait gagné avec son virulent —plus abouti à mon sens— Enquête pour un citoyen au dessus de tout soupçon.

oso
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le 6 juil. 2015

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