L'exécrable ingénue.
C'est mon premier Rohmer et te dire que j'y allais à reculons c'est être loin de la vérité. Rohmer fait parti de ces gens qui me font flipper rien qu'à l'évocation de leurs noms. Plus encore que...
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La Collectionneuse est l'histoire d'un personnage central, jeune femme indépendante et désinvolote, au milieu d'un duo d'hommes plus âgés qu'elle, libidineux, dont la prétention peine à cacher les failles de leur égo et leur manque de confiance en eux-mêmes. Le premier, sur lequel le film se penche d'avantage, est plus beau et paraît plus jeune, il occupe la place de narrateur dans le film et nous fait part de ses questionnements rohmériens, dans lesquels règnent ses névroses et sa difficulté à savoir ce qu'il veut. La jeune Haydée le terrifie et bouscule certainement ses convictions archaïques ; elle menace la tranquilité, valeur à laquelle il tient particulièrement, de ses dilemmes insignifiants. Alors il essaie de se convaincre lui-même que la multitude des aventures de son objet de désir le répugne, manigance l'air de rien des petits stratagèmes idiots, et la pousse dans les bras du deuxième, encore moins charismatique, dans une sorte de jeu très malsain de dévalorisation de Haydée en lui racontant que cet homme insipide serait d'un niveau bien supérieur à elle. Haydée semble n'avoir que faire de ces ruses quelque peu pathétique et prend « le bonheur où il se trouve ». Elle ne s'étale pas en longues complaintes creuses, ne « s'écoute [pas] parler » et elle fait preuve d'une sagesse et d'une sereinité exemplaire. Personne ne sait au final si elle est heureuse ou pas, on pourrait peut être penser surtout vu l'époque de la sortie du film (1967) qu'il va de soi qu'une telle attitude ne peut découler que d'une histoire tragique pour une jeune fille ou en tout cas ne ménerait pas à l'épanouissement. Pourtant c'est le personnage fort du film : bien que sa psychologie ne soit que peu creusée car les deux autres « demandent » plus d'attention par leurs geignements, elle semble incarner une constance, une paix intérieure et une solidité quasiment héroïque face à la violence de ses deux amis. En effet, après avoir passer une nuit avec le deuxième, celui-ci va brusquement lui en vouloir d'une amertume indéniablement lié à un sentiment d'infériorité. Il lui proferera des méchancetés tant qu'il pourra, qu'elle acceptera sans broncher jusqu'à en avoir marre et vouloir quitter les lieux (une grande maison en provence qu'ils partagent tous les trois).
La collectionneuse, c'est la définition qu'ils en ont donné pour décridibiliser le mode de vie d'Haydée et se rassurer eux-mêmes : la collection est une manière pathologique d'appréhender les objets (ou ici les gens), dans une logique de quête permanente et de désir à jamais inasouvi. Elle est mise en parallèle avec le « deuxième » collectionneur du film, de métier cette fois-ci. Ce vieux personnage au regard vitreux porte sa convoitise sur les vases et il n'y rien qui puisse le rapprocher de la protagoniste centrale si ce n'est une possible coucherie.
Si ce film peut avoir des relents de sexisme impressionnants, je l'ai personnellement vu comme une éloge à la sexualité féminine libérée, qui sort incontestablement vainqueure de cette histoire légère, laissant les deux égos masculins fissurés et déconfits.
Créée
le 24 févr. 2018
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