L'exécrable ingénue.
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La Collectionneuse fait partie de ces films brûlants qui, le temps d’un été, relatent les amours tumultueuses d’une bande d’amis qui, en pensant ne rien faire, font l’épreuve de ce rien, de cette chose qui ne compte pas mais qui compte quand même, que l’on théorise, que l’on diabolise, à laquelle on succombe. La femme apparaît ici comme une tentatrice à repousser, une collectionneuse qui, aux yeux des hommes, ne cherchent qu’à accroître sa collection ; le regard masculin porté sur la femme est celui d’une misogynie castratrice, l’amour s’apparentant à une guerre entre les sexes dans laquelle l’honneur et la maîtrise de soi doivent triompher ; le regard féminin, quant à lui, révèle l’angoisse et la culpabilité permanente dans lesquelles vivent les hommes, l’amour n’étant que le moteur d’une exploration de soi. D’un côté, l’homme doit être seul ou avec son semblable s’il veut être « en totale disposition de soi » ; de l’autre côté, la femme multiplie les expériences, laisse libre cours à ses désirs, vit dans une forme de spontanéité primitive. D’un côté, l’homme-philosophe use son esprit et ses mots à enfouir sous des préceptes moraux un désir tout-puissant ; de l’autre côté, la femme libérée des contraintes extérieures, bête nocturne qui dort le jour et sort la nuit, quitte la villa dans les bras d’un jeune conducteur pour revenir, au petit matin, raccompagnée par un autre.
Le film d’Éric Rohmer diffuse un sentimentalisme tourmenté et intellectualisé – alors même qu’il s’efforce de rompre avec l’intellect, de recouvrer le lien premier au monde et aux choses –, il reste avant tout une œuvre brûlante dans un contexte marqué par la libération sexuelle de l’adolescent non pas perçu comme jeune adulte devant trouver sa place dans la société de ses pairs mais comme dilettante qui profite des vacances méridionales pour éprouver sa liberté : « Il faut avoir le courage de ne pas travailler », affirme d’ailleurs l’un des amis. La Collectionneuse est à Rohmer ce que Le Jeu de l’amour et du hasard est à Marivaux, soit une œuvre qui se plaît à mettre à l’épreuve l’amour et l’identité par un jeu avec les rôles que l’on se donne ou que l’on attribue à l’autre. Un film incandescent.
Créée
le 9 mai 2020
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