La Colline aux coquelicots est l'adaptation, réussie, d'un manga shōjo, c'est-à-dire d'une bluette. Une bluette est une histoire sentimentale et platonique pour jeunes filles en fleurs. Une bluette de qualité proposera :
" Des orphelins courageux et méritants ;
" Une première rencontre originale ;
" Un coup de foudre immédiat, mais une reconnaissance mutuelle de cet amour tardive ;
" Une romance adolescente ;
" Un secret de famille qui s'oppose à leur union ;
" Des amants séparés ;
" Des souvenirs douloureux, ici liés à la guerre de Corée.
En élève appliqué, Gorō coche toutes les cases.
L'entrée en matière ravira les âmes poètes et comblera les admirateurs de Miyazaki père. Chaque matin, et depuis sa plus tendre enfance, la jeune Umi hisse sur la maisonnette familiale des drapeaux " flottants ", à destination de son père perdu en mer. Seul Shun, depuis le remorqueur de son père, y répond. Hélas, la configuration escarpée de la côte interdit à la lycéenne de les voir. Trop triste...
Heureux les amants séparés
Et qui ne savent pas encore
Qu'ils vont demain se retrouver
Heureux les amants séparés...
Chantait Brel... Shun change de tactique et déclare sa flamme par un poème publié dans le journal de l'école. Shun rencontre enfin Umi. La romance est douce, les deux tourtereaux sont prévenants, gentils et discrets. Les mots leur viennent difficilement. Ils travaillent côte à côte, émerveillés de se retrouver si heureux, sans paroles.
Les dessins sont magnifiques et reconstitution des années soixante convaincante. Le scénario propose un enjeu secondaire : la sauvegarde du " Quartier Latin " et son grand nettoyage. L'occasion :
" de quelques savoureux seconds rôles, dont un philosophe bougon ;
" de dévoiler les talents cachés de nos héros, ils se révèlent dynamiques et courageux.
Nos orphelins se découvriront de nouveaux pères. Les secrets seront dévoilés et mes filles verseront leur larme, signe que la promesse initiale, la bluette, est parfaitement remplie.
Heureux qui sanglote de joie
Pour s'être enfin donné d'amour
Ou pour un baiser que l'on boit
Heureux qui sanglote de joie
En supplément, Gorō nous délivre une petite leçon de morale miyazakienne : " Il n'y a pas d'avenir possible pour ceux qui ne voient que l'avenir et ignorent le passé "