Faut-il sacrifier l'individu au tout?

La communauté, comédie dramatique ne rappelant guère les précédents Festen ou La Chasse, marque une nette prise de distance du réalisateur Thomas Vinterberg avec l'école du Dogme qu'il a co-fondée. Derrière le drame intérieur d'une personne et les répliques parfois comiques, d'autres enjeux sont présents, liés à des aspects biographiques ou plus généraux - philosophique, économique, sociale et politique - à laquelle le titre renvoie indirectement.


Faut-il sacrifier l'individu au tout? Voilà la question que soulève la Communauté. Vinterberg, qui avec ce film marque une rupture avec le passé, envoie subtilement un message personnel à son ancien acolyte. L'histoire tourmentée de cette femme se sacrifiant pour le bien du groupe avant d'être rejetée par celui-ci s'accorde ici avec l'individualité créatrice du réalisateur bridée par les codes de l'école co-fondée avec Lars Von Trier. Suite à cet éloignement, Vinterberg se renouvelle et propose un récit beaucoup moins pathétique (même la mort est accompagné d'une douce mélodie), moins basé sur la violence des conflits (même si sur la table, d'abord lieu fédérateur avant de cristalliser tous les maux du groupe, sont partagées des bouteilles de bières mais aussi bien des engueulades) et donnant sa chance au bonheur - bien que le malheur l'emporte, vision pessimiste oblige.


Ensuite, le point de vue politique est tout aussi clair, quoique en filigrane. Cette maisonnée rappelle par son nom d'abord mais aussi par son organisation l'utopie communiste. Division et partage des biens, solidarité des plus riches pour soutenir les plus précaires, égalité de tous (et donc absence de chef), intégration des étrangers, … Or, cette utopie matérialisée tourne au drame entre les mains de Vinterberg - ce qui montre son point de vue sceptique quant à ce système. Et ainsi, par un retournement cynique, celle qui l'a fondée en est ejectée dans la (quasi) indifférence de tous.


Ces interprétations qui suivent le visionnage, bien qu'elles apportent un certain éclairage, ne sont pas essentielles à la compréhension du film. Cependant, il y a peu à dire à ce sujet, tant la mise en scène est convenue et peu originale. D'une agréable comédie au rythme enlevé dans une première partie, on bifurque lentement et inévitablement vers le drame. Malgré ce réflexe incontrolable et lassant d'un cinéaste s'inscrivant dans la lignée d'une génération désespérée, le tout se révèle être une honnête réalisation, somme toute assez maîtrisée. Soulignons aussi le travail des acteurs, tous remarquables (hormis Martha Sofie Wallstrøm Hansen, la discrète Freja), principalement Trine Dyrholm (Anna) et un scénario correct. Bref, un bon divertissement vintage pseudo-intello où chacun y trouvera plus ou moins son compte, qu'on soit plutôt amateur de drame scandinave et/ou de films bobos tendance post-communiste et pré-ikéa.

Marlon_B
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le 19 janv. 2017

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