Remarquable Commune

Projet ambitieux que conduit là Peter Watkins. Réaliser un film traitant de la Commune de Paris avec des citoyens-acteurs en un temps record. Ambitieux car il s'agit d'un sujet largement occulté par la mémoire française et surtout semé d'embûches, celles des pouvoirs publics et du milieu télévisuel français.

Néanmoins, le défi que se lance Watkins s'avère être parfaitement réussi. Les acteurs pour l'occasion rendent une copie parfaite. Tous incarnent admirablement les personnages qu'ils campent. Pas étonnant puisque chacun avait pour consigne de mener des recherches sur lesdits personnages et les jouer ensuite comme bon lui semblait. Les acteurs, aussi sympathisants des Communards, parviennent ainsi à rendre plus réel le Paris de 1871 qu'il ne l'a été en réalité.

Aussi, le film aborde un sujet cher à son réalisateur, à savoir une critique acerbe des médias de masse. En introduisant la TV au coeur du récit, Watkins oriente le propos dans la direction qu'il souhaite. La télé nationale soutient ardemment le gouvernement et est donc farouchement opposée à la Commune. Ainsi, le présentateur et les pseudos spécialistes qu'il reçoit se livrent à de la véritable désinformation, présentant la Commune et ses défenseurs comme une sorte de jungle où règne la loi du plus fort.

On l'a dit, les acteurs sont brillants. Dans leur diversité ils permettent de saisir à la fois l'expérience de la Commune mais également toute sa complexité. Les ouvriers parisiens veulent s'arracher des griffes de la bourgeoisie capitaliste. Tous rêvent d'une société plus juste et égalitaire. A côté de cela, s'ajoute le désir d'émancipation des femmes à l'égard du patriarcat prédominant, ce qui se traduira plus tard par la création de l'Union des femmes. La Commune c'est aussi le besoin de rompre avec l'éducation religieuse qui ne fait que masquer la dure réalité de la vie.
Mais tous ces désirs se heurtent à la réalité de l'expérience communarde. Les Parisiens sont mus par des idéaux anarchistes, d'autres par le communisme et pourtant très vite, des dérives oligarchiques et autoritaires vont se présenter. Cela rappelle l'horreur de la Terreur et c'est ainsi qu'un nouveau comité de salut public sera instauré sous le commandement des sous-comités.
Les acteurs, très impliqués dans le film, livrent des témoignages touchants face caméra. Des apartés sont introduits au cours desquels les acteurs laissent place aux citoyens engagés et défendant leurs convictions. De cette sorte, 1871 et 2000 (année de sortie) sont mêlées afin de permettre au spectateur de faire plus facilement des ponts entre l'histoire du XIXème et le présent. Peut-être ces deux réalités ne sont-elles pas si éloignées que ça...

Malgré une fin tragique pour la Commune, le succès est là. Le fait qu'on en parle aujourd'hui prouve que les combats menés par les Communards n'étaient pas vains et que de nos jours l'expérience conduite en 1871 peut toujours servir d'inspiration pour les luttes actuelles et futures.