De l’exclu à l’élu
Au carrefour du superbe « Chemin de croix » (2014), de Dietrich Brüggemann, pour le mysticisme violent d’un être encore adolescent ou tout jeune adulte, dans l’Europe actuelle, et de « La Prière »...
le 9 juil. 2020
25 j'aime
8
Parfois un film, au-delà de ses qualités scénaristiques et/ou esthétiques (et même quand il n’en a pas, ou si peu), parvient à vous bluffer uniquement pour son actrice ou son acteur qui s’impose plus que tout autre chose avec une évidence de l’ordre du transcendantal. La communion est de ces films-là, et Bartosz Bielenia est de ces acteurs-là, qui s’impose. C’est surtout son regard qui marque. Pour d’autres ce serait la voix, ou un physique, ou un charisme fou, un truc qui dégage, ou tout ça à la fois. Bielenia, lui, c’est le regard. Il arrive à tout faire passer dans et par son regard, qu’il a d’un bleu limpide et foudroyant. Un regard comme habité, halluciné, un regard qui vous capte et ne vous lâche plus.
Jan Komasa a visé juste en lui demandant d’interpréter Daniel, ce jeune meurtrier passé par la case centre de détention pour mineurs, empêché dans ses prétentions religieuses (ayant commis un crime, il ne peut devenir prêtre à moins d’être absous par le Pape) et qui, par enchaînement de circonstances, presque par mégarde, va endosser les habits du prêtre d’un petit village de Pologne, pays en partie conservateur où croire en Dieu est aussi vital que manger et respirer. Et propager, rapporter la parole du Divin à sa façon, plutôt singulière, plutôt techno, plutôt coup de boule. Par cette usurpation plus ou moins forcée (et inspirée d’un fait réel), Komosa interroge la place du sacré (et sa pratique) à différentes échelles, face à différents enjeux : l’intime, la communauté, le pouvoir (incarné par le maire), la jeunesse, la mort, le deuil et le pardon (le village est encore sous le choc d’un terrible drame survenu un an auparavant).
Daniel fait lien avec chaque histoire, chaque événement, chaque personne. Entre la foi et le tangible, les croyances et les jugements. Il est une sorte de deus ex machina qui n’aura que faire des dogmes, puisqu’il les connaît à peine, des mensonges (à commencer par le sien) et des injonctions, officiant d’abord avec son cœur et ses convictions jusqu’à une forme de transfiguration, de don de soi (voir sa dernière messe), en tout cas de réussite (apaiser les discordes et réconcilier les âmes). Forcément, le retour au réel (la scène choc finale) n’en sera que plus dévastateur, tel un enfer qui s’ouvre soudain. C’est que Komasa sait varier les tons, passant avec habileté du tragique au burlesque, de l’émotion au rire, du léger au (très) tendu. Et si en plus sa mise en scène sait, elle aussi, parfaire les cadres et rythmer la narration, alors La communion a tout du grand petit film.
D'autres avis sur La Communion
Au carrefour du superbe « Chemin de croix » (2014), de Dietrich Brüggemann, pour le mysticisme violent d’un être encore adolescent ou tout jeune adulte, dans l’Europe actuelle, et de « La Prière »...
le 9 juil. 2020
25 j'aime
8
Accueilli avec beaucoup d'éloges dans les festivals et sélectionnés pour concourir aux Oscars, "la Communion" ("Boze Cialo", soit "Corps de Dieu" en version originale !) fait a priori assez peur :...
Par
le 10 mars 2020
20 j'aime
14
Bien farceur peut être le destin. Nous menant vers des voies parfois insoupçonnées, il peut mener à de véritables révélations. Le destin n’a certes pas réservé à La Communion l’obtention de l’Oscar...
Par
le 4 mars 2020
20 j'aime
Du même critique
Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...
Par
le 18 janv. 2017
182 j'aime
3
Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...
Par
le 19 oct. 2013
180 j'aime
43
En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...
Par
le 11 oct. 2015
162 j'aime
25