De l’exclu à l’élu
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Parfois un film, au-delà de ses qualités scénaristiques et/ou esthétiques (et même quand il n’en a pas, ou si peu), parvient à vous bluffer uniquement pour son actrice ou son acteur qui s’impose plus que tout autre chose avec une évidence de l’ordre du transcendantal. La communion est de ces films-là, et Bartosz Bielenia est de ces acteurs-là, qui s’impose. C’est surtout son regard qui marque. Pour d’autres ce serait la voix, ou un physique, ou un charisme fou, un truc qui dégage, ou tout ça à la fois. Bielenia, lui, c’est le regard. Il arrive à tout faire passer dans et par son regard, qu’il a d’un bleu limpide et foudroyant. Un regard comme habité, halluciné, un regard qui vous capte et ne vous lâche plus.
Jan Komasa a visé juste en lui demandant d’interpréter Daniel, ce jeune meurtrier passé par la case centre de détention pour mineurs, empêché dans ses prétentions religieuses (ayant commis un crime, il ne peut devenir prêtre à moins d’être absous par le Pape) et qui, par enchaînement de circonstances, presque par mégarde, va endosser les habits du prêtre d’un petit village de Pologne, pays en partie conservateur où croire en Dieu est aussi vital que manger et respirer. Et propager, rapporter la parole du Divin à sa façon, plutôt singulière, plutôt techno, plutôt coup de boule. Par cette usurpation plus ou moins forcée (et inspirée d’un fait réel), Komosa interroge la place du sacré (et sa pratique) à différentes échelles, face à différents enjeux : l’intime, la communauté, le pouvoir (incarné par le maire), la jeunesse, la mort, le deuil et le pardon (le village est encore sous le choc d’un terrible drame survenu un an auparavant).
Daniel fait lien avec chaque histoire, chaque événement, chaque personne. Entre la foi et le tangible, les croyances et les jugements. Il est une sorte de deus ex machina qui n’aura que faire des dogmes, puisqu’il les connaît à peine, des mensonges (à commencer par le sien) et des injonctions, officiant d’abord avec son cœur et ses convictions jusqu’à une forme de transfiguration, de don de soi (voir sa dernière messe), en tout cas de réussite (apaiser les discordes et réconcilier les âmes). Forcément, le retour au réel (la scène choc finale) n’en sera que plus dévastateur, tel un enfer qui s’ouvre soudain. C’est que Komasa sait varier les tons, passant avec habileté du tragique au burlesque, de l’émotion au rire, du léger au (très) tendu. Et si en plus sa mise en scène sait, elle aussi, parfaire les cadres et rythmer la narration, alors La communion a tout du grand petit film.
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