Pendant deux heures nous allons essayer de résoudre un cold case de l'année 1954 qui concerne la disparition d'une actrice célèbre.
L'enquête que va mener le Limier Mantkiewicz, excessivement bavarde, trop dépourvue de scènes d'action, avec en guise de flashback répétitif la vue morbide d'une statue sur une tombe, ne va pas avancer très vite, par moments on se surprend même à comtesse, je veux dire à compter, les minutes qui restent. D'autant plus que le réalisateur se complaît à répéter les mêmes scènes, probablement pour prendre le contre-pied des histoires rectilignes d'Hollywood, mais il donne ainsi l'impression de vouloir retarder au maximum la scène que l'on attend tous, la danse de la sublime Ava Gardner.
Il est vrai que Mantkiewicz était l'un des seuls à son époque à pouvoir se permettre de dénoncer le pouvoir de l'argent et les abus de pouvoir dans les studios d'Hollywood en montrant l'envers du décor de l'usine à rêves. Le personnage détestable du riche producteur aurait eu comme modèle Harry Cohn, un producteur qui harcelait Rita Hayworth et d'autres actrices, et celui tout aussi odieux du milliardaire aurait eu comme modèle le multimilliardaire Howard Hughes qui pensait pouvoir s'acheter Ava Gardner. Il est aussi à porter au crédit du réalisateur que les portraits de femmes fortes et indépendantes comme Maria Vargas étaient rares au cinéma. Mais le metteur en scène aurait pu faire l'effort de mieux illustrer ses bavardages peu naturels, en suivant le conseil d'Hitchcok : « Tout ce qui est dit au lieu d'être montré est perdu pour le spectateur », avec en guise de choses perdues les choses premières comme la beauté d'Ava Gardner, dixit Alain Souchon. Et question perte pour le spectateur, ça se pose là quand même. Et les différentes voix off , les huit retours en arrières et la complexité du puzzle à reconstituer contribuent eux aussi à amoindrir significativement l'intérêt du film. Tout repose en fin de compte sur le nom, la beauté et la sensualité d'Ava Gardner, l'une des plus belles actrices de son époque, dont le personnage serait inspiré de Cendrillon et de Rita Hayworth avant de devenir pour la postérité Ava Gardner elle-même. Le film lui aurait même donné l'idée d'avoir une liaison avec un prince.
A ses côtés Humphrey Bogart, humain et sensible, interprète un réalisateur qui est son seul protecteur dans ce monde de brutes intéressées, un rôle en partie de composition puisqu'il ne pouvait pas la saquer dans la vraie vie.
Le ressentiment d'Humphrey Bogart vis-à-vis d'Ava Gardner était lié à son amitié avec Frank Sinatra, le mari d'alors de l'actrice, et à son désaveu de la liaison qu'Ava Gardner entretenait avec le torero Luis Miguel Dominguin. Ava s'installera par la suite en Espagne dans laquelle elle croira voir une sorte de paradis et deviendra la vedette des soirées de la haute société franquiste tout en buvant beaucoup d'alcool pour peut-être oublier ses origines modestes et son impossibilité à avoir des enfants. Le mimétisme avec Maria Vargas est une fois de plus présent avec cette fascination pour les milieux malsains de la jet set qui vient contrarier sa revendication à l'indépendance. Une telle similitude avec Maria Vargas est-elle fortuite ? Si « Dans un film tout aurait été tellement plus vraisemblable que dans la vie … », avec le temps les plus belles statues se fissurent aussi...
Pour conclure l'enquête, tout porte à croire qu'Ava Gardner aurait été victime de la malédiction occasionnée par le fantôme de Maria Vargas, le personnage du film qui l'a rendue célèbre. « Un scénario doit être sensé mais la vie est toujours insensée. »
Pour le reste, le film, selon moi, ne tient la distance que par Ava Gardner et la réputation que des générations de critiques lui ont créée en criant au chef d’œuvre est pour moi un peu surfaite.