Le titre en espagnol parle d'un conte et, si l'on considère que chaque personnage est un archétype, qu'il y a les méchants et les gentils, que le ton est enlevé malgré des événements dramatiques et que certains éléments sont proprement fantaisistes, alors oui, le cahier des charges est respecté. Nous voilà plongés dans un huis clos parfaitement maîtrisé, du genre A couteaux tirés, dans une vieille maison un peu délabrée et envahie par les belettes, fils rouges de cette histoire de prédateurs détrousseurs de tendres poulets. Sauf qu'ici, ne sont pas tendres ceux qu'on croit, et la rencontre entre quatre vieillards perdus dans leurs souvenirs, voire prisonniers du passé, et deux agents immobiliers, débarqués comme par accident, va vite tourner au jeu de massacre, jubilatoire à partir du moment où les adversaires se reconnaissent comme tels. C'est finaud et cruel, et chaque personnage donne l'occasion à un acteur qui jubile de se livrer à un numéro qui a tout pour nous remplir de bonheur. Ils fanfaronnent, paradent et pérorent, bref, ils jouent de leurs armes de comédiens, avec une maîtrise délicieuse. En prime, ce sont deux générations d'acteurs qui se livrent à cette passe d'armes en forme d'hommage des jeunes aux vieux et de complicité des vieux avec les jeunes. Hautement réjouissant. Et je n'ai même pas encore parlé des décors et des lumières, sublimes, ni du métadiscours sur le cinéma et le travail d'acteur. Bref, une fable sur la vanité, mais surtout une petite pépite inattendue, qui tend vers le théâtre parfois (j'ai pensé à plusieurs reprises à Le noir te va si bien, ma référence absolue) mais sait mettre à profit tous les avantages du cinéma, et avec quel brio.