La Controverse de Valladolid par Alligator
Vu par petits bouts sur Arte il y a longtemps, j'avais envie de le voir enfin de façon convenable. J'ai beaucoup d'admiration pour Jean-Claude Carrière et les trois comédiens principaux. Curieux que je n'ai vu ce téléfilm plus tôt... Voilà chose réparée. Et... je confesse une légère déception, sur la forme surtout.
L'aspect théâtral, confiné à cette scène de tribunal, et la relative simplicité de la mise en scène se contentant de champ / contre-champ basique, quelques rares légers travellings m'ont un peu déçu. Le dispositif manque de dynamisme.
Je mesure cependant la difficulté de la tâche pour le scénario d'ailleurs plus que pour la mise en scène. L'ensemble donne un spectacle presque rébarbatif.
C'est malheureux parce que cette histoire est monumentale, d'une prodigieuse force, celle du réel qui porte le coup à l'estomac, celle de la pesanteur culturelle et philosophique d'une époque qui apparait alors tellement éloignée de la nôtre. Bien des détails sordides du génocide amérindien ne nous sont épargnés et l'on mesure très bien quel impact apocalyptique eut la découverte de l'Amérique par les Européens.
Des questions philosophiques plus que métaphysiques sont abordées avec netteté. Le téléfilm les développe clairement, grâce à la pédagogie du scénario, mais également grâce à la qualité de la distribution. Étant donné la réalité historique de ce "procès", les protagonistes incarnés par Jean Pierre Marielle, Jean-Louis Trintignant et Jean Carmet n'ont que plus de chair, engendrent une sorte d'effroi que quelques siècles de "lumières" peuvent provoquer facilement.
Au centre des débats le personnage le plus ambigu, dont l'indécision pose un méchant trouble, est interprété par Jean Carmet. Il le tient très bien. Voilà un acteur superbe.
De Sepúlveda (joué par Trintignant) incarne une position ultra fermée et incroyablement malhonnête alignant les arguments fallacieux avec une aisance peu commune.
Le regard noir que lui jette De las Casas (Marielle) exprime bien le gouffre qui sépare les points de vue des deux hommes.
Et il est très frappant de voir combien ce genre de dichotomie, d'opposition absolue trouve dans l'histoire humaine une sinistre récurrence. Sans aller jusqu'à évoquer la séparation politique qui en découle (c'est pourtant bien tentant, mais l'anachronisme nous guette alors), on pourrait y voir l'éternel affrontement entre progressisme et conservatisme. En cela ce procès dépasse largement sa question initiale sur l'appartenance ou non des indiens d'Amérique au genre humain, mais s'étend à toutes les questions qui bousculent les status quo. Le téléfilm aborde donc une problématique universelle et permanente. C'est foutrement intéressant malgré le traitement visuel somme toute assez ordinaire.