Cet Hitchcock m'a toujours semblé gratuit, factice, bavard et ennuyeux. Dès les premières scènes, la mésentente entre les deux meurtriers est si évidente qu'on a tout de suite la conviction qu'ils vont se faire prendre. Donc, pour le spectateur d'emblée convaincu que le "pot-aux-roses" va être découvert, le cocktail dînatoire que le meneur du duo donne, au prétexte de détourner l'attention des invités (tous parents, proches, amis ou relations de la victime), paraît une prise de risque inconsidérée, pour ne pas dire stupide.
À ce cocktail, le sujet de conversation principal, sans cesse remis sur le tapis, est l'absence bizarre, anormale, inexplicable d'un des convives prévus (car "ça ne lui ressemble pas de faire ainsi faux bond"). Le spectateur sait, lui, depuis le début que le jeune homme qui fait ainsi les frais de la conversation assiste bien au cocktail, puisqu'il est en train de refroidir dans le coffre servant de buffet improvisé, autour duquel les participants vont et viennent.
Et c'est tout le suspense du film : l'éventuelle découverte du cadavre de l'homme dont l'absence intrigue tous les invités, alors qu'il est si près d'eux.
Pas besoin d'être Sherlock Holmes pour deviner que le coffre va finir par être ouvert et, en attendant qu'il le soit, je me suis ennuyé ferme, écoutant d'une oreille distraite le caquetage incessant des différents personnages présents.
Le duo criminel ne tient pas le choc, ne nous touche pas. L'un est aveuglé par la vanité et la prétention, l'autre pusillanime et terrifié. L'espèce de couple qu'ils forment paraît incohérent, mal assorti et la gratuité du meurtre commis pour "l'amour de l'art" (?) ridiculement factice. Impossible de croire à cette histoire et de s'y impliquer. Et puis... comment peut-on, quand on se veut brillant esprit criminel, oublier de faire disparaître le chapeau de l'homme qu'on vient d'assassiner, chapeau qui porte, bien visibles à l'intérieur, les initiales de son propriétaire ? C'est impardonnable. À partir du moment où ce "détail" fait surface, on sait que les jeux sont faits, que le meurtre est patent, révélé. Or il reste encore une bonne vingtaine de minutes avant la fin du métrage.
On espère un coup de théâtre, mais non, rien.
Le fait que l'idée nietzschéenne du surhomme sur laquelle repose l'instigation du crime soit devenue une vieille lune (quasiment du radotage) désamorce et même ridiculise l'acte odieux des deux soi-disant esprits supérieurs prétendant au crime parfait.
Conclusion. La Corde est un film qui a mal vieilli. Bavard, factice, voire invraisemblable, limite ennuyeux. La réalisation d'Hitchcock est certes impeccable (en 1948, il a déjà un immense savoir-faire), mais c'est probablement celui de ses films que j'aime le moins.