Armé des meilleures intentions et d'un vrai désir de raconter une histoire, Tate Taylor nous livre La Couleur des sentiments comme une douce chronique sociale Américaine des années 50-60, dans laquelle il n'y a ni héros ni vilain, juste des hommes et des femmes, mais surtout des femmes.
Difficile avec un sujet pareil de ne pas tomber dans le pathos et le conventionnel, mais Tate Taylor parvient à doser subtilement son oeuvre pour la rendre forte, touchante et contre toute attente, drôle aussi.
C'est là la principale qualité du métrage, c'est qu'il possède une aura de légèreté particulière et qui ne le dessert pas du tout puisque à travers cette dernière se pose les enjeux du film et la psychologie du personnage. Disons que La Couleur des sentiments parle de la ségrégation un peu comme Desperate Housewives parle des problèmes de voisinage. Avec plus de sérieux tout de même.
Le film livre des moments forts, d'autres un peu moins, des moments drôles et des moments vrais, c'est d'ailleurs le plus important. Certaines situations ont une vraie dimension réaliste, parfois grâce au contraste brutal des images qui s'impose à l'écran (une arrestation musclée, là où cinq minutes plus tôt les personnages plaisantaient sur leurs patrons, par exemple). C'est grâce à cette narration criblée de ruptures de ton que le film gagne en profondeur. Un peu comme les bons moments que peuvent parfois vivre les personnages des domestiques, mais qui sont vite rappelé à la réalité et à la place qu'ils occupent dans cette société.
La mise en scène ne tend pas à faire du neuf, ce n'est d'ailleurs pas ce que l'on attend d'elle. Le film repose surtout sur son sujet et sur les performances du casting. Une chose est sûre ici, c'est que Bryce Dallas Howard se révèle totalement détestable, et c'est désiré. Elle est loin la jeune fille fragile qui évoluait sous la caméra de M. Night Shyamalan.
Violas Davis est tout à fait juste, à l'instar d'Octavia Spencer, drôle et impulsive. Bien entend il est difficile de ne pas revenir sur l'excellente prestation d'Emma Stone, très juste elle aussi et convaincante dans un rôle qui permet au public de se sentir plus concerné par cette histoire. Jessica Chastain est plus en retrait, ce qui est un peu dommage.
La Couleur des sentiments fait partie de ces grands films américains qui parlent des hommes, ces grandes fresques que l'on adore montrer aux Oscars, et qui pourtant valent bien plus que des statuettes. Le film de Tate Taylor aborde avec brio un sujet compliqué et encore tabou pour certains outre-atlantique, c'est déjà un exploit qui mérite toutes les récompenses.