La Couleur des sentiments par Herma
J'ai plein de choses à reprocher à La Couleur des sentiments. Premièrement, l'affiche est immonde. Deuxièmement, la bande-annonce est nulle. Troisièmement, c'est un film d'une complaisance abjecte.
Je crois que ce qui m'a le plus énervé avec ce film c'est que j'ai lu le livre. Je savais donc à quoi m'attendre, car rien n'a été changé (enfin si, ils y sont allé à la machette sur certains sujets, mais l'essentiel de l'intrigue est là). Et j'ai quand même pleuré. C'est dire si la fabrication forcée d'émotions n'était pas poussée à l'extrême. Dans ce film, tout est un prétexte au chantage émotionnel. A moins d'être un monstre, on est forcé d'éprouver des sentiments allant de l'horreur à la compassion, en passant par l'indignation satisfaite, car elle nous prouve que nous, on n'aurait pas agit comme ça, non, jamais.
Le livre était déjà un peu comme ça, assez caricatural, et désespérément politiquement correct. Le film n'a fait qu'amplifier ces côtés là, sans réussir à garder ce qui faisait le plus grand intérêt du livre, c'est-à dire le développement de personnages secondaires comme Stuart le petit copain, Constantine et sa fille, et Miss Celia la white trash pas si décérébrée que ça. Ces personnages amenaient une touche plus personnelle et plus incisive sur la problématique des droits civiques et de l'idéologie de la séparation qui régnait dans le Sud à cette époque, et l'intrigue parfois allait plus loin que la simple constatation eux: victimes, nous: autruches avec la tête sous trois tonnes de sable si ce n'est carrément vicieux (qui je ne remets pas en cause ici, soyons clair: je dis juste que creuser un peu n'a jamais fait de mal à personne, alors qu'asséner des idées à coup de briques, à force, ça fait bobo à la tête).
Ce que je reproche au film c'est de fonctionner sur le chantage émotionnel permanent, et de sombrer dans la caricature. Les personnages manquent de substance, et leurs caractères sont tellement outrés qu'on ne peut à la fin faire autrement que s'identifier à Skeeter, pourfendeuse des injustices et démocrate convaincue avant même le début de l'histoire car elle, contrairement à toutes ses amies qui ont été élevées de la même façon qu'elle et sont toutes allées à la même fac, elle n'a pas oublié qui l'a élevée.Le manque de profondeur du propos et des personnages, ainsi que l'empathie forcée ne font que donner bonne conscience au spectateur et sapent complètement toute possibilité de réflexion, que ce soit sur nous-mêmes ou les évènements représentés.
Ce film est aussi hypocrite et faible que le personnage d'Elizabeth, la patronne d'Aibileen. Et en sortant de la salle, c'est exactement comme ça que je me sentais.
Ah et oui, j'aime pas le titre non plus.