Quelques jours après avoir subi 12 years a slave qui avait réussi le tour de force de me rendre indifférent à la destinée d'un esclave plus de deux heures durant malgré l'intérêt que je porte au sujet, me voilà embarqué dans une séance Cinemadz pour découvrir sur grand écran The Help, film dont le titre français m'avait induit en erreur, et du coup ne m'intéressait pas du tout (je m'attendais à une bluette).
Sans faire un parallèle spécieux entre 12 years a slave et The Help car les deux œuvres boxent dans des catégories différentes, je constate quand même qu'une mise en scène correcte, un scénario bien ficelé et une variété de points de vue dans la dénonciation d'une situation, ça rend le tout bien plus digeste, impliquant, de facto bouleversant. Consacrons nous pleinement à The Help à présent.
Rapidement sur la forme. C'est très joliment filmé, la reconstitution des années soixante est top, la BO est agréable et réalise des emprunts judicieux (Chubby Checker, Bob Dylan sont conviés notamment), tout le casting est fabuleux et boudiou Octavia Spencer a tout sauf usurpé son oscar. Le rythme est également très bon, malgré une fin à (légère) rallonge de part la multiplicité de destinées croisées plus de deux heures durant.
Sur le fond, le propos du film est follement intéressant, imbriquant la condition de la femme noire dans celui de la femme en général, le tout sur un fond de ségrégation débectant dans l'Etat du Mississipi des années soixante.
Curieusement, de fait habilement, l'homme est absent ou presque de ce film (que ce soit au casting ou au temps de présence à l'écran des rares rôles masculins), et pourtant, l'étau patriarcal est bien présent. Tandis que l'homme blanc dirige, que l'homme noir se bat pour les droits civiques, la femme blanche est conditionnée à être une bonne épouse et à s'intéresser à des sujets de femme ; or une bonne épouse du Sud a une bonne noire, reléguée au plus bas de l'échelle, qui doit se cacher pour témoigner de sa condition de doublement opprimée. Pourtant accueillie dans l’intimité profonde d'une famille en étant en charge d'élever les enfants, on la rabaisse au rang de quasi animal qui doit aller pisser dehors (la scène au long cours surréaliste du film. Pardon, tristement réaliste).
Résumé ainsi, l'imbrication en poupées gigognes du statut de la femme dans la lutte d'égalité raciale pourrait passer pour un pensum. C'est sans compter sur un rythme scénaristique justement dosé, alternant scènes légères et graves, quasi farceuses, puis proches du tragique. L'excès de pathos n'est jamais loin, la ficelle prend parfois l'apparence d'une corde balourde mais, parce que l'alternance des scènes est d'un tempo sans faille, le spectateur n'est jamais noyé dans un trop plein d'un ou de l'autre. The Help défile sans ennui ou soupir d'agacement et, dernier tour de force - pour paraphraser le propos de la comparse qui m'accompagnait - parvient à faire ressortir le spectateur de la salle d'une humeur quasi enjouée malgré l'horreur du sujet, jamais minoré dans sa gravité.
The Help fut une chouette découverte a laquelle je ne m'attendais pas, que je recommande chaudement.