La ségrégation selon les femmes
La couleur des sentiments est sûrement un des rares films à disposer d'un titre traduit plus beau que l'original. Alors que le film s'appelait à l'origine The Help, ce qui aurait dû être traduit par Les bonnes, le service marketing français capable de perles dénaturant l'esprit du film l'a remplacé par La couleur des sentiments qui n'a jamais aussi bien collé à l'esprit d'un film. Et puis bon, avouons-le, je ne suis pas sûr que beaucoup de gens sont capables d'aller voir un film qui s'appelle Les Bonnes sauf ceux habitués à la séance du minuit sur Canal + le premier samedi du mois. A mois que le problème, ce soit que le titre Les Bonnes ait déjà été réservé par un film pornographique. Après une recherche internet, mon esprit pervers s'est pris une claque, non ce n'est pas un film porno mais tout simplement une pièce de théâtre de Jean Genet.
Bref, bref, La couleur des sentiments est une adaptation du best-seller de Kathryn Stockett paru en février 2009. Depuis, le roman s'est écoulé à des millions d'exemplaires. Un vrai succès dont l'adaptation cinématographique a été décidé rapidement, même un peu trop (on a le sentiment qu'on va bénéficier d'une adaptation bâclée pour surfer sur le succès). Le poste de scénariste/réalisateur a été donné à Tate Taylor dont les faits d'armes sont principalement d'avoir réalisé en 2008 Pretty Ugly People (un film très moyen d'après les critiques et jamais sorti en France, ce qui entre nous n'est jamais bon signe). Mais on peut y apercevoir la présence d'Octavia Spencer, une actrice plutôt cantonnée aux seconds rôles. Son nom ne vous dira rien mais son visage si. Elle explose dans La couleur des sentiments en campant un personnage culotté qui vous fera rire et émouvoir à une telle vitesse que vous en aurez le tournis.
Mais je m'avance trop vite, parlons d'abord du film avant de parler des acteurs. La couleur des sentiments se situe dans les années 60 juste avant l'arrivée au pouvoir du président JFK. Ces mêmes années où Martin Luther King proclamait avoir eu un rêve. Plus important que l'époque, son lieu : Jackson, Mississippi (une ville qui existe vraiment – mais le vrai lieu de tournage sera Greenwood, Mississippi où 95% du film fut tourné). Pour les plus jeunes d'entre vous qui ne savent pas, le Mississippi est considéré, à raison, comme un des états les plus racistes au monde, un bastion des ségrégationnistes du sud. La ségrégation raciale consiste à séparer physiquement les personnes de différentes couleurs dans leurs activités quotidiennes ainsi les bus sont séparés en deux : une partie pour les noirs et une autre pour les blancs. La couleur des sentiments prend place dans ces années-là où on se demande si l'esclavage a vraiment disparu.
L'originalité de l'histoire est due à sa présence presque figurante des hommes, le film tournant autour d'un monde de femmes. Chaque côté sera abordée que ce soit des maîtresses de maisons ou de leurs bonnes permettant de ne pas bénéficier que d'un seul point de vue. Les actrices sont tous géniales, un très beau casting féminin qui supplante celui de l'excellente comédie Mes Meilleures Amies. Mais les trois meilleures dans mon cœur sont Viola Davis, le vrai personnage principal du film (bien plus qu'Emma Stone), Bryce Dallas Howard absolument extraordinaire et celle déjà citée, Octavia Spencer.
Arrêtons-nous un petit moment sur Bryce Dallas Howard. Elle campe un rôle pas forcément évident sachant qu'elle est la dirigeante du White Citizens' Council (Le Conseil des Citoyens Blancs) de Jackson. Elle se bat pour faire passer un projet de loi consistant à séparer les toilettes des blancs de leurs femmes de ménages par peur d'attraper des maladies. Un vrai rôle difficile, le genre capable de vous détruire une carrière ou d'être étiqueté à vie mais l'actrice s'en sort à merveille. Le film n'aurait pas eu autant d'impact si le personnage de la « méchante » n'était pas aussi... tête à claque.
Quant à Viola Davis, son personnage est une femme ayant perdu son fils. Elle sera notre guide sentimental. Son jeu passant tout en finesse et par la tristesse de son regard, une femme désabusée par le monde qui l'entoure. Un rôle que chaque actrice rêve d'avoir. N'oublions tout de même pas Emma Stone et Jessica Chastain, deux actrices bankables et qui prouvent le bien-fondé de cet adjectif.
Le film m'a chamboulé, m'a fait rire (surtout grâce à Octavia), m'a ému (mes yeux étaient mouillés plusieurs fois durant le film), m'a étonné par l'excellence de la reconstitution de l'époque. Les 2h26 (quand même) sont passés à une vitesse et ont paru durer 1h40, si ce n'est pas la marque des grands films. J'étais même prêt à continuer encore un peu.
Conclusion:
La couleur des sentiments est la comédie dramatique à ne pas rater cette année. Un casting de femmes extraordinaire, une histoire à la fois drôle et émouvante sans oublier un contexte historique poignant et il ne faut pas l'oublier récent : c'était seulement il y a 50 ans.
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