Un jeune garçon (il est en 5è) se fait couper les cheveux par une jeune femme. Particularité de la scène, elle se passe en prison et une surveillante vérifie que tout se passe normalement. Dans ces conditions, les échanges seront forcément limités. Mais, quoi de plus naturel alors que les esprits vagabondent ? Le film nous présente donc des scènes qui correspondent aux pensées des deux protagonistes, nous en apprenant pas mal sur chacun, sans lever le voile sur tous les points. Ainsi, pourquoi le garçon vient-il à cet endroit pour une coupe de cheveux ? On devine aussi pourquoi la coiffeuse est en prison.
En 14 minutes, ce film cosigné Kentaro Hirase, Masahiko Sato et Yutaro Seki en montre beaucoup, avec une belle économie de moyens qui passe par une ambiance laconique (impassibilité des visages, précision des gestes, attitudes aussi neutres que possible, tout pour tenter de faire oublier la tension), ce qui peut être la condition sine qua non pour que la femme ait le droit de coiffer quelqu’un venu de l’extérieur. Il est même possible qu'elle ait appris ce métier en prison (on la voit avec des têtes de mannequins), avec le seul objectif de cette séance de coupe. Pour désamorcer les moments délicats, la coiffeuse annonce tout ce qu’elle fait, en particulier prendre les ciseaux, mais aussi s’excuser (attitudes typiquement japonaises), pour des gestes simples comme placer une serviette de protection et on découvre progressivement sa situation. Elle s’applique consciencieusement, discutant presque timidement, d’abord de son métier (longueur de repousse des cheveux sur un mois), puis avec quelques questions un peu plus personnelles. Encore jeune, elle agit avec retenue, sans doute pour ne pas gâcher un moment privilégié (quelques plans nous font deviner sa difficile condition de prisonnière).
Sanpatsu (titre original) fascine par une situation à première vue banale, mais dont la mise en scène et le scénario révèlent progressivement la complexité. Il incite au questionnement : que penser exactement de la situation présentée ? Visiblement, chaque détail a son importance. Ainsi, le geste final de la coiffeuse appelle une interprétation. La plus logique nécessite de faire un rapprochement, mais avec quoi ? Pourquoi pas le bref plan où la caméra montre le garçon jouer avec des cheveux plus ou moins collés sur son avant-bras : comme un signe de reconnaissance ?