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La crème de la crème avait tout pour plaire et se faire une place au soleil dans le petit microcosme du cinéma français. Cependant malgré un projet de départ alléchant et se concrétisant par une première partie blufflante de fluidité, Kim Chapiron et son scénariste Noé Debré ne confirment pas sur la durée les promesses mises en œuvre du film à cause d’un manque de prise de recul, jouant parfois les petits malins opportunistes à l’image de guests évitables (Mouloud Achour…). Concept intéressant au demeurant, celui de s’immiscer dans l’univers d’une grande business school où trois jeunes étudiants provenant de la génération Y vont mettre en place un marché de proxénétisme se basant sur ce qui fait tourner le cercle vicieux de notre société : la beauté et l’argent. L’un contre l’autre et l’un s’emboitant dans l’autre, qui auront une croissance et une décroissance inverse comme nous le dira l’un des personnages. Dans ce genre d’école, l’objectif n’est pas d’étudier, mais d’apparaitre, de faire partie d’un groupe, d’une confrérie pour se faire un réseau et accentuer l’image que l’on dégage dans le monde du marché, celle de l’offre et de la demande

Là où La crème de la crème tire son épingle du jeu, c’est avant tout grâce à son trio d’acteurs assez ébouriffants de charisme et de naturel où l’alchimie des trois acteurs fait tilt tout de suite. Kelly, jouée par l’excellente Alice Isaaz, est une sorte de sous Mark Zuckerberg dans sa volonté de mener à bout ce projet. L’influence de The Social Network est là, mais sans la force et l’intelligence de la démarche. Pour aider leur ami Jafar, arriviste un peu mégalo qui n’arrive pas à chopper, Dan et Kelly vont payer une jolie fille non pas pour coucher avec lui, mais juste pour que tout le monde la voit sous ses bras durant une soirée. Le but ? Faire que la cote de Jafar augmente, et que certaines autres filles puissent s’intéresser à lui. Un système de domino à la croissance exponentielle. Intelligent, Kim Chapiron tisse sa toile et trace le portrait de cette jeunesse un brin désabusée où l’on consomme l’humain comme un simple objet. Mais la fille en question ne va pas faire que rester avec lui, mais va passer la nuit avec lui. Ce qui va faire naitre cette idée de faire un réseau de prostitution « celui des amateurs de cigares ». A ce moment-là, dès le début, la Crème de la crème tombe dans la facilité narrative et n’arrive pas à prendre le pouls de son sujet.

La première moitié du film fonctionne assez bien, la mécanique schématique et narrative s’incorpore parfaitement au propos et au cynisme de cette jeunesse riche en quête de sexualité. Ce qui est dommage c’est son manque d’intelligence dans le regard de ce monde étudiant et son manque d’ambiguïté. Le schéma est très simple, payer des filles qui gagnent peu mais qui sont jolies pour baiser avec des étudiants moches mais riches. C’est binaire et seulement unilatéral, ne permettant pas au film d’être aussi ambigu et subversif qu’il ne l’aurait dû l’être. Aucune fille ne refuse, le film n’a pas le talent pour se critiquer ou se poser les bonnes questions. Les filles belles qui sont vendeuses ou caissières sont toutes des putes. Voilà ce que nous fait comprendre en filigrane le film. Un petit billet de 20 euros et c’est dans la poche, pour peu qu’elles puissent trouver un mari. Epicentre de la bêtise du scénario, c’est cette fameuse scène à Sephora où une simple vendeuse au physique somptueux devient une prostituée en un coup de cuillère à pot. A un moment du film, leur marché à du mal refleurir à cause d’un problème de catégorisation. Ce qui aurait été intéressant, ça aurait été de diversifier ce business pour y voir les effets pervers sur tout ce petit monde, à l’image de cette maitresse de conférence aux allures solitaires et frigides. Mais le film continue sur sa voie binaire et ne donne aucune opinion griçante sur cette génération

Ce n’est pas Kim Chapiron qui va rehausser le niveau avec une mise en scène anecdotique ne donnant aucune fougue ni aucun dynamisme même durant les scènes de fêtes. Kim Chapiron et Noé Debré comprennent petit à petit que leur intrigue s’étiole de minutes en minutes et change de braquet pour s’appesantir un peu plus sur ses personnages et leurs amourettes bâclées et un peu lourdingues à coup de gros sabots nous amenant dans les maisons des uns et des autres sans que cela ait une quelconque importance. La pauvre qui fait les yeux doux aux riches, le mec à la libido en berne qui se fait limite dépuceler par un mannequin et qui tombe amoureux de vendeuse donc prostituée (sic) de Sephora. D’ailleurs, pour enfoncer le clou, ce n’est pas elle à qui ça dérange de vendre son corps, mais c’est à lui, marquant l’opportunisme du sujet et le manque de cran, où le scénario semble se donner bonne conscience en n’assumant jamais le cynisme de son récit, et de ses personnages qui d’un coup de baguettes magiques vont voir l’amour vaincre face à ce monde froid et élitiste.
Velvetman
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le 7 août 2014

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Velvetman

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