Kim Chapiron m'avait laissé quelque peu groggy avec "Dog Pound", son aventure américaine en forme d'uppercut qui laissait poindre une certaine maturité et une envie de s'attaquer à des sujets plus consistants après son premier essai de sale gosse. Le trublion revient cette fois au pays, mettant en image le script d'un jeune scénariste de vingt-six ans, Noé Debré. Mais derrière les belles promesses d'un sujet en or et plutôt couillu dans un cinéma français bien morne, "La crème de la crème" pose problème pour deux raisons.
La première, est tout simplement qu'il arrive bien longtemps après deux oeuvres ayant traité d'un sujet proche. D'un côté, "Risky business", sorti en 1983, torpillait le genre bien neuneu du teen-movie en offrant une vision sarcastique d'un capitalisme outrancier, racontant les déboires d'un Tom Cruise fils à maman appliquant ses leçons d'économie en devenant le proxénète attitré du bahut. De l'autre, "Les lois de l'attraction", adaptation par Roger Avary du roman sulfureux de Bret Easton Ellis, vision frappadingue et orgiaque des campus américains.
Le deuxième problème concerne le film lui-même, superbe pétard mouillé qui ne décolle jamais vraiment et qui ne ferai pas même sourciller le plus prude des bourgeois. Ce n'est pourtant pas faute à Chapiron d'essayer mais il manque clairement un rythme, une énergie, et surtout une nuance dans l'écriture, "La crème de la crème" tombant trop facilement dans la facilité et les raccourcis.
Le peu de charisme du casting (hormis peut-être Alice Isaaz) n'aide pas non plus à l'appréciation d'un film mollement mis en scène, trop propre sur lui et se dégonflant sans cesse, jusqu'à une dernière partie interminable osant à nouveau le coup de la romance contrariée. Car finalement, le véritable propos de "La crème de la crème" est là: nos jeux incessants camouflant nos angoisses et notre solitude, notre peur de l'autre, de l'amour véritable. Une idée pas inintéressante au demeurant mais traitée un peu n'importe comment. Reste l'utilisation amusante d'une bande son typiquement franchouillarde (du Sardou chanté comme la marseillaise, du Carla Bruni en guise de slow dans une soirée baise...), mais c'est bien peu.
Je vous aime énormément, monsieur Chapiron, mais je préfère encore quand vous faites l'abruti avec vos potes et Cassell, parce que si votre nouveau film représente tout ce que le cinéma français actuel peut pondre de plus subversif, on est mal barré.